Psychothérapie académique, science de la psychothérapie et recherche herméneutique expérimentale en laboratoire

Un complément à « La notion scientifique de la science de la psychothérapie » de Markus Erismann

Kurt Greiner

Psychotherapie-Wissenschaft 9 (2) 29–30 2019

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CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/1664-9583-2019-2-29

Mots clés : psychothérapie académique, Markus Erismann, science de la psychothérapie expérimentale et herméneutique imaginative, initiative Greiner-Jandl, recherche des écoles thérapeutiques, dialogue entre les écoles de thérapie (TSD), transcontextualisation expérimentale (ExTK), Sigmund Freud PrivatUniversität Wien (SFU)

Ce commentaire de l’essai de Markus Erismann « La notion scientifique de la science de la psychothérapie » est conçu comme un complément d’argumentation tendant à montrer à quel point une science de la psychothérapie conceptualisée en termes d’herméneutique scientifique est potentiellement capable de contribuer à la carrière de statut académique de la psychothérapie.

Pour le philosophe zurichois Markus Erismann, le terme de « réflexion » joue un rôle central dans la réponse à la question de la « notion scientifique de la science de la psychothérapie ». La notion de réflexion apparaît tout de même à plusieurs endroits dans l’essai de justification d’Erismann, et sa conclusion finale est que : « Dans la science de la psychothérapie, le processus de réflexion commune à travers le dialogue entre le ou la patiente et le ou la thérapeute est le lieu de guérison thérapeutique et de production de connaissance. C’est la méthode de la réflexion qui fait l’autonomie et le caractère scientifique de la science de la psychothérapie » (Erismann ; i. d. cahier).

Bien qu’on ne puisse qu’approuver l’argumentation d’Erismann dans la mesure où le principe fonctionnel de la réflexion est certainement constitutif de l’ensemble des pratiques psychothérapeutiques de guérison et de production de connaissance, il convient simultanément d’attirer l’attention sur le fait que le phénomène culturel occidental de la science a toujours eu pour but, outre la création méthodique de connaissances, l’acquisition méthodique de connaissances (Wallner, 1992a ; 2002). Si la psychothérapie ne revendique par conséquent rien de plus que le fait de fonctionner de façon adéquate, elle se dégrade elle-même en une technique scientifique de guérison ou de cure qui se contente seulement de produire une connaissance méthodique sur les manières de manier utilement ses objets d’intention thérapeutique au plan instrumental. Si cependant la psychothérapie s’entend comme une science académique à part entière, elle doit en outre s’efforcer de produire de façon systématique des aperçus approfondis dans les structures complexes de ses activités professionnelles, ce qui est la seule chose qui lui permettra d’obtenir finalement des connaissances différenciées concernant les conditions préalables et différenciées de son dossier scientifique méthodique. Cela veut dire que les disciplines psychothérapeutiques basées sur des écoles et des modalités doivent examiner avec un œil critique chacun de leurs modes de fonctionnement spécifiques en empruntant des stratégies herméneutiques scientifiques afin qu’un niveau de plus en plus différencié de compréhension de soi puisse se cristalliser au niveau des modes d’action et de réflexion psychothérapeutiques en permettant, last but not least, de rendre visibles, communicables, critiquables et discutables ses limites de sens et ses dimensions d’engagement.

En ce qui concerne par conséquent le caractère scientifique de la psychothérapie au sens académique, les réflexions rigoureuses d’Erismann ont besoin d’être complétées. Il faut ici établir une distinction entre les termes de psychothérapie (PT), de science de la psychothérapie (SPT) et de psychothérapie académique (PTA), de façon à ce qu’on puisse poser de façon sensée la question de savoir si on peut envisager une espèce de SPT capable de contribuer à l’avancement de la PT vers la PTA.

À l’initiative de mon collègue Martin Jandl et de moi-même, un programme de recherche fondamentale a été lancé en 2008 dans le cadre institutionnalisé de la SFU Vienne, avec la création du 1er laboratoire herméneutique expérimental de la SPT qui cherche précisément à donner une réponse positive à cette question (Greiner et al., 2009; Greiner & Jandl, 2010, 2012, 2015; Greiner, 2011, 2012, 2013a, 2015a, b). Il s’avère aujourd’hui que l’ensemble des méthodes, procédés et techniques de notre science de la psychothérapie herméneutique expérimentale et imaginative ont pu faire leurs preuves avec succès dans de nombreux projets de recherche SFU (Bartl, 2016; Greiner et al., 2009, 2013; Greiner & Jandl, 2010, 2012, 2015; Greiner, 2011, 2012, 2013a, b, c, d, 2014; Seggl, 2018; Tichy, 2018). Nous pouvons actuellement nous référer en tout à plus de 50 thèses d’examen se répartissant sur les trois niveaux académiques (baccalauréat, maîtrise, doctorat), dans lesquels ont été menées des recherches productives sur les instruments herméneutiques expérimentaux et imaginatifs. Avec notre approche d’une SPT herméneutique scientifique conceptualisée, nous garantissons ainsi les possibilités méthodiques afin d’obtenir des aperçus approfondis des structures complexes des conditions préalables aux activités psychothérapeutiques en assurant ainsi la production de connaissances critiques-réflexives pour la science académique à part entière de la psychothérapie.

L’auteur

Kurt Greiner est professeur en science de la psychothérapie à la Sigmund Freud PrivatUniversität (SFU)/Université Privée Sigmund Freud à Vienne, où il enseigne et recherche depuis 2007 dans le domaine spécialisé de la théorie de la science de la psychothérapie et en méthodologie des écoles thérapeutiques.

Contact

Univ.-Prof. DDr. Kurt Greiner
Sigmund Freud PrivatUniversität Wien (SFU)
Galerie-Office 4003, Campus Prater
Freudplatz 1, A-1020 Wien
E-mail: kurt.greiner@sfu.ac.at