Article inédit - Synthèse
Kurt Greiner
Lorsque le pénis domine la tête : Symbolique psychanalytique et herméneutique logopoïétique
Les détracteurs radicaux de la psychanalyse rejettent en bloc les symboles psychanalytiques. De leur point de vue, ils n'auraient rien à voir avec des efforts sérieux d'interprétation, mais relèveraient uniquement de fantasmes erronés et d'aberrations pseudo-scientifiques. Les défenseurs de la psychanalyse, quant à eux, essayent de démontrer la valeur scientifique de la symbolique psychanalytique. Pour la justifier, il est fréquent de leur voir avancer comme argument que les efforts d'interprétation psychanalytique relèvent d'un savoir acquis par la voie de l'herméneutique, de nature causale, c'est-à-dire d'un savoir que l'on peut, certes, obtenir en déployant des efforts herméneutiques, mais qui servirait en même temps à rechercher la cause de la souffrance psychique.
Il est donc question d'une forme de science que l'on pourrait qualifier de recherche causale herméneutique. Cette argumentation ne tient toutefois aucun compte du facteur culturel qui veut qu'en herméneutique, il s'agit toujours en dernier lieu de « comprendre le sens » et non de découvrir ou mettre à jour des causes spécifiques qui pourraient être à l'origine de certains effets (événements, phénomènes) selon les lois de la nature. On voit ici à l'œuvre deux ambitions de recherche très différentes et incompatibles. Une autre image s'offre donc à l'observateur actuel des théories scientifiques.
La psychanalyse ne doit pas être vue comme une aberration scientifique ni une science reposant sur l'analyse causale, mais comme un axe de recherche et de pratique opérant dans la sphère herméneutique. Dans le même temps pourtant, les principes herméneutiques de la psychanalyse contredisent la conception traditionnelle de l'herméneutique qui tient des sciences humaines. C'est pourquoi la recherche en psychanalyse ne peut être assimilée à la notion classique d'herméneutique. L'alternative semble offrir de meilleures perspectives de réussite: une approche de la recherche de nature psychodynamique/de type psychologie des profondeurs, soit des formes différentes de sciences textuelles générant du sens au plan herméneutique ou logopoïétique.
Sous cet angle spécial, les activités psychodynamiques/de psychologie des profondeurs deviennent lisibles en tant que pratiques multiformes d'interprétation dont l'objectif est d'intégrer de façon logopoïétique les textes problématiques des clients au réseau psychonarratif. Les expériences douloureuses de la remise en question, des difficultés ou de l'incapacité à comprendre dans un contexte personnel (textes problématiques des clients) peuvent être rendus compréhensibles, donc gérables, lorsqu'ils sont intégrés de façon logopoïétique (entrelaçage des textes) dans le mode narratif propre à chaque courant (réseau psychonarratif), dans un cadre relationnel interactif entre client(e) et thérapeute, ce qui s'accompagne d'effets favorisant la guérison.
Lorsqu'on intègre de façon logopoïétique des formes textuelles discutables et déstabilisantes dans le réseau psychonarratif selon Sigmund Freud, dominé par les concepts sexuels, il en ressort des productions textuelles intelligibles (propositions d'élaboration du sens) qui sont totalement nouvelles lorsque l'absence de sens se transforme en sens sexuel par l'interprétation des symboles. Par l'intervention spécifique du jeu verbal très élaboré au plan terminologique de la psychanalyse, l'incompréhensible devient compréhensible et gérable et constitue une offre de sens favorisant la guérison, disponible pour les interventions psychothérapeutiques à venir.
Si l'on considère la psychanalyse en ce sens comme une science logopoïétique des textes, elle est gagnante à deux égards. Elle affine les contours de son profil herméneutique spécifique, mais s'émancipe aussi parallèlement de l'image problématique d'elle-même en tant que recherche causale herméneutique.