Article inédit - Synthèse

Markus Erisman

Considérations épistémologiques sur les sciences psychothérapeutiques

La philosophie des sciences – compris comme réflexion sur l’activité scientifique , la méthodologie – compris comme réflexion sur la procédure scientifique – et l’histoire des sciences augmentent le degré de méthodicité, c’est-à-dire d’autoréflexion d’une certaine science, par quoi celle-ci gagne une auto-compréhension meilleure. La méthodologie et l’histoire des sciences sont des parties importantes d’une théorie des sciences. Les présentes considérations épistémologiques sont destinées à montrer, que les sciences psychothérapeutiques sont prédestinées pour l’autoréflexion méthodologique qui augmente leur degré de méthodicité et contribue à leur reconnaissance comme discipline scientifique autonome.

Tandis qu’une théorie générale des sciences ou une philosophie des sciences réfléchie sur la nature de la science et l’activité scientifique en générale, chaque discipline particulière a besoin du développement d’une propre, spéciale théorie des sciences qui constitue son auto-compréhension. Une théorie des sciences spéciale contient la réflexion d’une science sur ses bases théoriques, ses notions fondamentales et ses différences directrices. La tâche de la méthodologique d’une science est le développement reflété de procédures de connaissance et d’application ainsi que la réflexion permanente sur la manière de la conception théorique et de la structuration et présentation des connaissances acquises. La tâche de l’histoire est la reconstruction permanente de la genèse et du développement d’une science.

L’histoire des sciences psychothérapeutiques qui s’orientent plutôt vers les sciences humaines est entendue d’une part par rapport au développement de leurs disciplines voisines, la médicine (la psychiatrie) et la psychologie (clinique) qui s’orientent vers la méthodologie des sciences naturelles, et comme un processus de démarcation par rapport aux elles; d’autre part comme un processus de différenciation avec la création des écoles et des méthodes différentes et comme développement d’une auto-compréhension qui inclut les écoles différentes.

Cette diversité des écoles et des méthodes est entendue comme symptôme d’un état pré-paradigmatique d’une science ou comme caractéristique de qualité d’une science qui appartient au paradigme. Les sciences psychothérapeutiques sont, à mon avis, toujours dans un état pré-paradigmatique, parce qu’ils n’ont pas une théorie des sciences qui forme un cadre indépendant autour des écoles et des méthodes et qui ceux inclut.

L’interdisciplinarité est une autre caractéristique du paradigme des sciences psychothérapeutiques. Une théorie des sciences psychothérapeutiques doit clarifier méthodologiquement ses rapports interdisciplinaires non seulement aux disciplines des sciences naturelles mais encore humaines concernent leurs méthodes de connaissance et d’application, c’est-à-dire les analyser, expliquer et présenter comparativement.

Depuis ses débuts chez Freud la psychothérapie se distingue par l’utilisation de l’autoréflexion comme méthode de connaissance scientifique. La situation psychothérapeutique montre en outre la spécialité méthodologique, qu’en elle la méthode de traitement et d’examen coïncident dans la même situation. Connaissance de soi comme but d’analyse au moyen d’autoréflexion méthodique d’une part, des connaissances psychothérapeutiques ou psychologique au moyen de réflexion sur l’événement thérapeutique d’autre part, sont acquises dans la situation thérapeutique, concrète et intersubjective entre le patient et le thérapeute au moyen du dialogue, du travail relationnel et du processus de prise de conscience.

L’événement psychothérapeutique, concret et pratique avec le développement d’une compréhension pour la problématique du patient d’une part, avec la conception théorique sur le fond de la précompréhension théorique du thérapeute d’autre part, forme un processus de compréhension et de connaissance en spirale qui est accompagné du côté du thérapeute par une réflexion permanente sur l’événement thérapeutique et une autoréflexion sur sa propre précompréhension et connaissance théorique. Condition préalable pour la prise de conscience, des nouvelles connaissances et les changements de psyché est la sincérité au sondage auto-réfléchie et critique de la propre auto-compréhension.

En ce qui concerne la méthode – ce soit des méthodes d’application et de recherche ou le fond méthodologique et théorique d’une certaine école – cela signifie que ses hypothèses, ses notions de base et ses différences directrices sont remises en question et, éventuellement, changées. Cet examen méthodologique, chaque thérapeute doit exécuter toujours à nouveau de lui-même. Le haut degré de complexité de la situation thérapeutique est fondé sur cette connexion ininterrompue entre l’événement thérapeutique, la réflexion sur la situation thérapeutique et l’autoréflexion. Comme la situation psychothérapeutique elle-même dans son noyau est déterminée par l’autoréflexion méthodologique, il est évident, que le scientifique psychothérapeutique a une conscience prononcée de l’autoréflexion comme méthode et de l’autoréflexion méthodologique et donc une conscience des questions épistémologiques concernant les sciences psychothérapeutiques. Des sciences psychothérapeutiques on peut attendu par conséquent un haut niveau d’autoréflexion méthodologique et le développement d’une propre théorie des sciences.

Outre la situation psychothérapeutique le véritable objet, pas moins complexe, est l’homme souffrant dans sa totalité physique et psychique. A partir de celui-ci résulte la position interdisciplinaire des sciences psychothérapeutiques entre les sciences naturelles avec leur méthodologie quantitative qui s’oriente vers la physique et l’objectivité d’une part, et les sciences humaines avec leur méthodologie qualitative qui s’oriente vers l’esprit et inclut le subjectif d’autre part. Les sciences psychothérapeutiques ont la tâche de connecter les deux perspectives. Bien qu’elles regardent la totalité physique et psychique et comprennent dans leurs concepts théoriques des résultats des sciences naturelles et de la médecine qui se réfèrent surtout à la côté physique, dans les sciences psychothérapeutiques la méthode herméneutique, qui s’oriente vers la conscience, est mise au premier plan. La situation psychothérapeutique peut être considérée, incluant toutes les écoles différentes, comme une situation herméneutique dans laquelle il s’agit de la compréhension au moyen du dialogue, du travail relationnel, d’autoréflexion et de la prise de conscience. Se fondant sur l’herméneutique de la situation psychothérapeutique le développement d’une méthodologie et d’une théorie des sciences psychothérapeutiques doit tenir compte – d’une part « vers l’extérieur » – de leur interdisciplinarité et – de l’autre part « vers l’intérieur » – de leur pluralité des écoles et des méthodes.

La genèse de la diversité des écoles psychothérapeutiques on peut présenter comme un processus des dissociations, des tentatives d’intégration et des efforts de surmonter la lutte mutuelle entre les écoles différentes par un discours scientifique. Le pluralisme est entre-temps considéré par les sciences psychothérapeutiques comme un critère de qualité, qu’il s’agit de conserver. Ce qui manque, c’est une théorie des sciences ou une méthodologie qui est indépendante des écoles et dans laquelle les approches différentes sont confrontées les unes les autres et dans laquelle leurs fondements sont analysés et réfléchis comparativement. En vertu des représentations de l’auto-compréhension de chaque école on peut d’une part élaborer une analyse et une représentation comparative des concordances et des différences entre les écoles, de l’autre part développer une conception de base épistémologique et une auto-compréhension qui inclue la diversité des écoles.

Les tâches d’une théorie des sciences psychothérapeutiques sont entre autres d’analyser et de présenter ses bases épistémologiques et méthodologiques aussi bien que d’établir les frontières par rapport aux autres disciplines concernant l’objet et la méthode en vertu des recherches comparatives. Il faut d’une part qu’elle analyse épistémologiquement et méthodologiquement chaque une école en particulier, de l’autre part qu’elle élabore une méthodologie générale, qui est indépendante des écoles et qui respecte la diversité des écoles, et elle doit reconstruire historiquement la genèse et le développement des sciences psychothérapeutiques en permanence. De plus il est la tâche de chaque école de réfléchir sur sa base spécifique et de révéler ses idées fondamentales et ses différences directrices aussi bien que la façon de la conception et structure intérieur de sa théorie non seulement méthodologique mais aussi anthropologique.

Le développement d’une théorie des sciences psychothérapeutiques qui augmente leur degré de méthodicité n’est pas la tâche d’une théorie ou une philosophie des sciences générale et extérieure, mais la tâche des sciences psychothérapeutiques elles-mêmes qui par-là vont parvenir à une auto-compréhension réfléchie qui est fondamentale en ce qui concerne leur reconnaissance comme une discipline autonome.