Article inédit (thème principal) – Synthèse

Gisela Wolf

Compétences thérapeutiques pour travailler avec des personnes d’orientation homosexuelle ou bisexuelle

Les lesbiennes, homosexuels et bisexuels font partie des groupes de patients qui recourent relativement souvent aux soins psychothérapeutiques. Au plan statistique, on estime que tout psychothérapeute ayant déjà traité au moins 20 patients a eu parmi eux des homosexuels et des bisexuels.

Si l’on considère les expériences largement négatives rapportées par les homosexuels et bisexuels en rapport avec le système de santé (Wolf 2010), en particulier eu égard aux traitements médicaux et psychanalytiques, il parait de prime abord étonnant que les lesbiennes, homosexuels et bisexuels recourent si intensément à la psychothérapie. Les collègues n’accordent souvent pas une si grande importance à ce sujet, au motif, notamment, que leur clientèle n’a jusqu’ici pas compté d’homosexuels ni de bisexuels ou qu’ils les traitent «tous de la même façon». Mais estimer ne jamais avoir traité de patients lesbiennes, homosexuels ni bisexuels n’est pas très réaliste et consiste davantage à refuser de reconnaitre l’existence et les besoins spécifiques de prise en charge de cette clientèle. Ce déni des psychothérapeutes relève essentiellement du tabou, d’un refus de réification actif et sans cesse renouvelé des orientations autres qu’hétérosexuelles au cours de la professionnalisation psycho¬thérapeutique.

L’orientation sexuelle n’est ainsi quasiment pas abordée dans les formations en psychothérapie. Les formations et formations postgrade, en psychothérapie, sont généralement hétérocentrées. Ce qui signifie que le mode de vie hétérosexuel est présenté comme une norme, sans remise en question, aussi bien explicitement qu’implicitement. Cela se fait en continu à travers tous les contenus proposés, qu’il s’agisse de la thématique de certains troubles psychiques à visée diagnostique ou des méthodes thérapeutiques spécifiques qui sont transmises. Du fait de la programmation hétérocentrée au sein des cursus de formation en psychothérapie, les lesbiennes, homosexuels et bisexuels rencontrent généralement des thérapeutes qui ne sont pas suffisamment qualifiés pour un travail thérapeutique auprès d’individus ayant une orientation sexuelle différente et qui ne possèdent pas non plus d’expérience sur soi et de distance dans ce domaine (Frossard 2000, Gruskin 1999, Heinrich & Reipen 2001, Wolf 2004).

Cet article a pour but de dépeindre les besoins psychothérapeutiques des lesbiennes, homosexuels et bisexuels, ainsi qu’une approche psychothérapeutique spécifique qui leur convienne. Il analysera les raisons du fort recours aux soins psychothérapeutiques de la part des lesbiennes, homosexuels et bisexuels et ce comportement sera mis en regard du tabou qui pèse sur les modes de vie autres qu’hétérosexuels dans la professionnalisation psychothérapeutique. L’article met l’accent sur l’importance du chevauchement intersectionnel des appartenances marginalisées et, dans ce cadre, sur les groupes de lesbiennes, homosexuels et bisexuels dont la prise en charge psychothérapeutique reste sans doute particulièrement précaire malgré une indication existante. Des qualifications de base pour le travail auprès des lesbiennes, homosexuels et bisexuels doivent être définies d’après les préconisations élaborées par l’association agréée VLSP* (association des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles*, intersexuelles et queer en psychologie) concernant le travail et les conseils psychothérapeutiques s’adressant aux patients lesbiennes, homosexuels et bisexuels (Wolf, Fünfgeld, Oehler & Andrae 2015). Elles regroupent aussi bien des connaissances spécifiques qu’un guide pour construire la relation avec le patient et une expérience sur soi du thérapeute en matière d’orientation sexuelle. Le but de cet article est de définir une posture thérapeutique, capable de déboucher sur une offre psychothérapeutique utile et tenant compte des besoins des lesbiennes, homosexuels et bisexuels.

Mots-clés: psychothérapie ; prise en charge psychothérapeutique ; patients lesbiennes, homosexuels et bisexuels ; recommandations ; discrimination et violence ; intersectionnalité

Auteure

Dr. Gisela Wolf, Psych. dipl., psychothérapeute et psychologue, exerce en cabinet privé à Berlin. Elle est membre de l’association VLSP*