Article inédit (thème principal) - Synthèse
Erich Lehner
La psychothérapie fournie dans le cadre des soins palliatifs aux personnes souffrant d’une maladie grave ou mourantes
Les malades ne souffrent pas que de leur maladie. Si cette dernière porte atteinte à certaines fonctions du corps, il reste que la souffrance touche l’ensemble de la personne. C’est pourquoi accompagner une personne dans sa souffrance requiert également que lui soient offerts des soins et des contacts humains qui lui permettront de trouver une forme de guérison intérieure. La psychothérapie peut avoir cette fonction.
Il arrive que la proximité de la mort ébranle si profondément l’individu que les mécanismes d’adaptation et de maîtrise dont il disposait ne lui permettent plus de gérer la situation. Dans ce sens, la mort peut être considérée comme une crise. Le degré auquel des personnes gravement malades sont également soumises à un stress psychique dépend d’une combinaison subtile, faite de la maladie en soi, mais aussi de facteurs individuels et de l’environnement social. Le stress peut être engendré par les circonstances existentielles dans lesquelles la maladie s’est déclarée, par des stratégies de coping, par la perte de la capacité à donner sens à la vie, par l’ébranlement de la cohérence dans la perception de soi, par le souci que se fait le malade pour sa famille, par des conflits avec des proches, par des problèmes financiers et par des conflits avec l’équipe de soignants. Un nombre relativement élevé de malades souffrent de dépression, de troubles anxieux, de stress post-traumatique ou d’un syndrome de démoralisation. Le traitement psychothérapeutique a pour objectif de permettre au patient d’avoir une qualité de vie aussi bonne que possible au sein du groupe puis de quitter ce dernier avec suffisamment de soutien de sa part.
Si tous les courants de psychothérapie fournissent une offre dans le cadre des soins palliatifs, il reste que certaines méthodes plus que d’autres ont provoqué l’intérêt scientifique. Des techniques de relaxation sont offertes avec succès aux malades du cancer ; elles font diminuer les symptômes en permettant de mieux les gérer sur le plan psychique. La thérapie cognitive du comportement est de plus en plus utilisée au niveau du traitement des symptômes. Des thérapies de groupe permettent aux malades de garder des contacts sociaux à un moment où leur maladie fait qu’ils se sentent isolés. Plus récemment, deux approches ont été élaborées, qui permettent aux malades de conserver le sentiment qu’ils existent et que leur vie a un sens. Il s’agit, d’une part, de la Meaning-Centered Psychotherapy (psychothérapie centrée sur le sens) développée par William Breitbarts et, d’autre part, de la Dignity-Therapy (thérapie de la dignité) élaborée par Harvey Max Chochinov.
La psychothérapie individuelle, fondée sur un modèle psychodynamique, se distingue de certaines des approches mentionnées plus haut. Le présent article doit être placé dans ce contexte. La psychothérapie peut contribuer à atténuer le stress psychique, à élaborer des stratégies de coping (gestion) et à donner au malade le sentiment qu’il joue un rôle actif. Dans son cadre, le client verbalise les nombreuses pertes qu’il a subies, formule ses émotions et surtout son sentiment de deuil dans l’espace mis à disposition, définit plus clairement ses relations avec ses proches et tente de continuer à trouver un sens subjectif à sa vie, même si son pronostic vital est engagé. Enfin, la psychothérapie peut aider les personnes concernées à prendre des décisions. La relation avec un client mourant est sans doute, parmi les relations thérapeutiques, celle qui touche le plus profondément. Elle force le thérapeute à se confronter à ses propres deuils et à sa propre mortalité. C’est pourquoi il est indispensable que tous ceux qui travaillent dans ce domaine mènent une réflexion sur leur propre mort et participent régulièrement à des séances de supervision ou d’intervision.
Les personnes dotées d’un schéma d’attachement stable sont mieux capables de satisfaire au sein d’une relation à la fois leur besoin d’autonomie et leur besoin d’intimité. Il leur est plus facile de demander de l’aide en cas de crise et de percevoir, dans le cadre de la relation, leur humeur et leurs émotions, pour ensuite les exprimer. Cela leur évite en partie le risque d’être submergées par leurs émotions et elles ont moins tendance à tomber dans la dépression. C’est pourquoi la première visée du traitement psychothérapeutique doit être d’aider le client à établir ou à maintenir un schéma d’attachement stable.
Nous utilisons le terme de ‘mentaliser’ pour exprimer la capacité qu’a l’individu de mener une réflexion sur son propre psychisme et sur celui d’autrui. Il ne s’agit pas d’une simple perception intellectuelle, mais bien d’une aptitude à comprendre les émotions sur la base de l’expérience. Une fois qu’il dispose d’une capacité à s’attacher de manière stable, le client peut apprendre à mentaliser. Cela l’aide à réguler ses émotions et à percevoir ou à évaluer sa situation présente sous différents angles. Mentaliser permet au client de jouer un rôle plus actif par rapport à lui-même et protège le sentiment qu’il a de sa propre valeur.
Ensemble, le thérapeute et le client élaborent un narratif contenant l’expérience de la vie que ce dernier a eue jusqu’à maintenant, ainsi qu’une acceptation des circonstances présentes et aussi des potentiels en rapport avec l’avenir. A ce niveau, il ne s’agira pas seulement de se conformer à l’agenda explicite contenant des données et la communication verbale ; il s’agira également de moduler la relation thérapeutique (agenda implicite).
Pour pratiquer la psychothérapie avec des personnes en fin de vie, il faut disposer d’un setting flexible qui puisse être adapté aux possibilités et aux besoins des malades. Il faut toujours tenir compte des proches et des autres personnes impliquées. Le psychothérapeute en vient alors à faire partie d’une équipe et il coopère aux démarches menées par d’autres groupes de professionnels. Sa contribution au niveau de l’équipe comme à celui des patients peut être de les aider à mieux comprendre le comportement d’êtres en souffrance et les problèmes qui peuvent se manifester dans le cadre d’une relation – dans ce sens, il peut aider à soulager les membres de l’équipe comme les patients.