Article inédit (thème principal) - Synthèse
Stefanie Haas
Une sérénité tendue
La perception qu’ont les Allemands de la crise dans le miroir de la démoscopie
La crise dure et, au lieu d’être surmontée, elle a gagné en vitesse en ajoutant à ses nombreux aspects la dimension de la dette et en ébranlant la stabilité financière de l’euro ; elle a donc laissé des traces chez les Allemands. Compte tenu de l’évolution de l’économie et du monde financier, nos concitoyens sont incertains de la manière dont elle va perdurer – ou se terminer. Les responsables ne pensent pas que la conjoncture va rapidement récupérer, mais s’attendent au contraire à ce que le climat économique continue à se détériorer. A aucun moment, on n’a autant craint que la pire phase de la crise soit encore à venir. Les données globales caractérisant la crise se distinguent de ses effets sur la vie privée, où la situation est considérée comme moins précaire. Dès le début, les Allemands ont fait face à la crise et à ses conséquences pour leur existence avec une certaine sérénité ; on pourrait qualifier celle-ci de German serenity. Par contre, une analyse comparant ses différentes périodes fournit de nombreuses indications. En effet, lorsqu’on tient compte de l’axe ‹ temps ›, on constate que les effets individuels de la crise ont augmenté en cours de route. Il est exact qu’une bonne partie de la population continue à ne pas se sentir concernée, mais le nombre de ceux qui en ressentent déjà les effets dans leur vie est en constante augmentation ; il atteint aujourd’hui un sommet jamais atteint durant toute la période de crise. Toutes les instances politiques ont pris des mesures qui peuvent être qualifiées de réactions plus que de solutions ; leur impuissance face aux mécanismes régissant les marchés financiers a nuit à la confiance que leur porte la population. Actuellement, on doute même de l’importance de la politique. C’est à la Chancelière fédérale Angela Merkel que l’on doit le fait que le mécontentement par rapport aux politiques ne se reflète pas dans des mouvements de contestation. Son style politique représente un facteur compensateur qui permet d’éviter la rupture des citoyens avec la politique, une menace qui pourrait bien suivre la crise. Au moment de gérer cette dernière, les Allemands concentrent leur attention sur le secteur des finances. Ils pensent que les banques et les marchés financiers contribuent à renforcer encore la crise de la dette au lieu d’aider à la résoudre. La crise de la dette et de l’euro laisse – contrairement à la crise économique et financière du début – à peine le temps de reprendre son souffle. Ce qui fait que les citoyens se trouvent dans un état de tension de plus en plus important, ce qui avec le temps pourrait affecter leur sérénité et la confiance qu’ils portent à Angela Merkel.