Article inédit - Synthèse
Isabelle Meier
Complexes et schémas
Une comparaison des concepts de la psychologie analytique de C.G. Jung et de la thérapie des schémas par Jeffrey Young
La contribution examine les différences et les similitudes entre la thérapie centrée sur les complexes de la psychologie analytique d’après C.G. Jung et la thérapie centrée sur les schémas d’après Jeffrey Young. Ceci est effectué aussi bien en considérant des représentations théoriques que des approches pratiques du processus thérapeutique.
La théorie des complexes de la psychologie analytique de C.G. Jung comprend une théorie sur la structure et le fonctionnement de la psyché. Elle est à la base de la conception jungienne de la pathologie (Bovensiepen, 2009). Dans les complexes, on retrouve les souvenirs, les émotions et les fantasmes issus des interactions relationnelles ayant marqué l'enfance et l'adolescence (Kast, 1990). Ils contiennent le résultat et l'interprétation de telles sensations et expériences et sont causés par des espoirs déçus quant aux besoins primaires de l’individu. Cela entraine une perturbation de la perception ultérieure d’évènements similaires. Lorsque des complexes sont activés, l’individu présente des réactions émotionnelles exagérées et son comportement n’est souvent pas adapté à la situation mais au contraire déplacé et « automatique ». Le Test d’Association – empiriquement développé à des fins diagnostiques par C.G. Jung lorsqu’il travaillait à la Clinique universitaire psychiatrique du Burghölzli en 1905 – est toujours enseigné dans les instituts de formation et permet de représenter le «paysage complexe» d'un individu ainsi que l’intensité de ses complexes.
La thérapie des schémas (troisième vague des thérapies d’orientation cognitivo-comportementales) a été développée par Jeffrey E. Young il y a environ 20 ans aux États-Unis (Young et al. 2005, Young et al. 1993) et est arrivé en Allemagne il y a également quelques années. La thérapie des schémas a ceci de commun avec la théorie des complexes de C.G. Jung qu’au cours de l'enfance et de l'adolescence, lorsque des besoins importants demeurent insatisfaits, des schémas de perception et de comportement stables et partiellement dysfonctionnels peuvent se développer ; ils contiennent certains souvenirs, émotions, savoirs et sensations corporelles qui, déclenchés tels un réflexe, peuvent déterminer le comportement. Jeffrey Young parle de «trappes de vie» (Young & Klosko, 2006) - nous Jungiens, de «trappes complexes» - et il se réfère à des schémas tels les « Schémas d’Inadaptation Précoce » (Les Schémas d’Inadaptation Précoces, Young et al, 2005). Les représentations des deux théories, celle des schémas et celle des complexes, sont comparées dans un tableau.
Dans une deuxième partie on compare les deux écoles en ce qui concerne leur apport thérapeutique. Il s'avère que toutes les deux donnent une place importante à la prise de conscience des schémas et des complexes.
Les Jungiens procèdent plutôt de façon individuelle et interrogent les complexes paternels et maternels tout en aidant le client à en prendre conscience. L’objectif est la connaissance du propre «paysage complexe», de sorte que l’individu apprenne lentement à se distancier de ses émotions et de ses processus intérieurs et à retirer ses projections. Les thérapeutes travaillant avec les schémas essaient aussi de rendre conscientes les «trappes de vie» et, par l’activation des schémas, d’interrompre consciemment la tendance comportementale. Il s’agit par là de remplacer l’inévitable schéma d'activation et son impulsion comportementale par une nouvelle stratégie de maitrise plus adulte.
Il y a des similitudes dans un autre domaine du traitement : Les deux écoles essaient d’entrer en contact avec les complexes et les schémas à travers une forme créative, imaginative et symbolique et parlent alors d’enfants et de parents intérieurs. La relation thérapeutique est cependant gérée de façon différente. Les considérations du transfert et du contretransfert jouent un rôle important dans la thérapie jungienne alors que dans la thérapie des schémas, la relation thérapeutique se caractérise plus par une sorte de « soin parental » («re-maternage», Jacob, 2011, Young et al, 2005.)
D'autres différences sont notées, tels les aspects plus individuels chez les Jungiens, les aspects plus conceptuels chez les thérapeutes travaillant avec les schémas.
Dans une dernière partie les deux concepts sont comparés en fonction de leurs apports et de leurs « fruits » ainsi que de leurs limites.