Article inédit (thème principal) - Synthèse
Thomas Mößle
Les jeunes et les médias – une perspective critique
1. Comportement des jeunes par rapport à l’utilisation de médias
Le quotidien des jeunes ne peut plus être envisagé sans l’utilisation de médias numériques. Une majorité d’entre eux possèdent leur propre poste de télévision, une console de jeux ou un ordinateur. Au total les jeunes filles utilisent des écrans pendant plus de six heures par jour, alors que les garçons le font pendant près de sept heures et demie. Compte tenu de la durée de cette pratique, il faut se poser la question suivante : quand peut-on considérer qu’il y a des comportements à risque à ce niveau ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Quels sont les facteurs les favorisant ? Quelles sont les conséquences ?
2. L’abus des médias et ses aspects problématiques
Un abus potentiel des médias se situe à trois principaux niveaux : des excès au niveau du temps qui leur est consacré, une utilisation problématique du point de vue des contenus, ainsi qu’une utilisation dysfonctionnelle chez certains individus. Une forme particulièrement grave d’abus est ce que l’on a appelé la cyberaddiction – dans ce cas les trois niveaux problématique se recouvrent. S’il est possible de poser le diagnostic d’une dépendance aux médias en utilisant les critères caractérisant l’addiction à des substances, il reste qu’il faut tenir compte des particularités des processus accompagnant l’utilisation des médias. Lorsque celle-ci est excessive au niveau du temps qui lui est consacré, on peut considérer cet aspect comme le premier signe d’un trouble plus profond ou comme les débuts d’une addiction, mais il ne s’agit pas là d’un critère central. De même, un fort besoin de pratiquer cette activité ne peut pas être considéré comme critère de distinction entre une utilisation pathologique et une utilisation normale. Les critères suivants caractérisent la dépendance aux médias : perte de contrôle, limites posées au champ d’action, maintien de l’activité en dépit de ses conséquences négatives, symptômes de privation lorsque l’utilisation est interrompue et développement d’une tolérance.
3. Facteurs favorisant une utilisation excessive
Il existe des rapports étroits entre le nombre d’équipements que possèdent les jeunes, une utilisation excessive du point de vue de sa durée et le fait que les contenus des médias consultés ne correspondent pas à l’âge de l’enfant ou de l’adolescent. Parmi les facteurs laissant prévoir que les jeunes n’utiliseront pas les médias à bon escient, il y a : le sexe, le statut socioéconomique de la famille, le niveau d’éducation des parents, ainsi que la scolarité des enfants. De plus, les facteurs suivants – entre autres – sont considérés comme jouant un rôle par rapport aux excès ou à la dépendance : la dépression, l’anxiété dans le domaine social, une intelligence sociale moindre, une mauvaise qualité des contacts sociaux, un manque de confiance en soi, la peur de l’école, le manque de vécus associés à la réussite, une victimisation grave, l’impulsivité, une moindre capacité à voir les choses plus globalement, l’acceptation de la violence, ainsi que des facteurs de risque qui sont inhérents aux jeux.
4. L’importance du comportement des parents par rapport aux médias numériques
La famille joue un rôle essentiel dans l’acquisition par l’enfant de schémas d’utilisation des médias. Ce sont les parents qui socialisent l’enfant dans ce domaine en lui transmettant leur attitude envers différents médias, leur contenu et leur utilisation ; mais ces mêmes parents jouent également le rôle de modèles. De plus, il faut qu’ils offrent à l’enfant des alternatives n’incluant pas l’utilisation des médias.
5. Conséquences d’une utilisation excessive des médias
Comportement social agressif et ses phénomènes d’accompagnement : les utilisateurs qui consomment de la violence au niveau des médias, sont nettement plus souvent agressifs et moins souvent altruistes ; ils se disent eux-mêmes avoir une attitude agressive. De plus, il existe une corrélation entre des compétences sociales diminuées et un fort investissement en temps dans l’utilisation des médias.
Attention, développement du langage et scolarité : on enregistre des effets négatifs sur la réussite scolaire d’utilisateurs manifestant des comportements excessifs et se connectant à des contenus problématiques. De plus, la consommation exagérée de programmes télévisés par de très jeunes enfants permet de prédire des compétences moindres au niveau du langage, ainsi qu’un éventuel diagnostic – plus tard – d’un déficit d’attention.
Conséquences pour la santé : les jeunes qui utilisent des ordinateurs de manière excessive souffrent de privation de sommeil. Or, ne pas dormir suffisamment a d’autres conséquences : difficultés scolaires ou surpoids. De plus, la télévision et les jeux sur ordinateurs tendent à réduire la durée des activités physiques.
6. Conclusion
La consommation de médias n’est pas en soi négative si, à long terme, elle demeure fonctionnelle. Mais il faut être prudent lorsque l’on constate qu’un jeune utilise des médias de manière dysfonctionnelle. Il faudrait par ailleurs que la société assume ses responsabilités en faisant des offres de prévention adéquates, qui permettront de limiter les facteurs de risque.