La « schizophrénie » existe-t-elle ?

Fiabilité et validité

John Read

Psychotherapie-Wissenschaft 8 (1) 84–85 2018

www.psychotherapie-wissenschaft.info

CC BY-NC-ND

DOI: 10.30820/8242.15

Mots-clés : Schizophrénie, concepts, fiabilité

La déclaration selon laquelle la « schizophrénie » n’existe pas ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’individus avec des expériences très inhabituelles ou difficilement compréhensibles, qui souffrent d’un désarroi et d’une confusion extrêmes. Mais le sujet ici tourne autour de deux autres questions : (a) La « schizophrénie » satisfait-elle à des conditions scientifiques préalables généralement reconnues de la preuve de l’existence d’un concept (fiabilité) ?, et (b) : La « schizophrénie » est-elle pertinente, à savoir la structure contribue-t-elle d’une quelque façon à la compréhension ou à la prévision (validité) ?

La nécessité d’abandonner cette structure non scientifique, qui ne veut rien dire et peu utile, est reconnue, et cette reconnaissance a des conséquences : En 2012, les membres de l’International Society for the Psychological Treatment of Schizophrenia (ISPS), en suivant l’exemple d’autres organisations internationales, ont décidé à la majorité écrasante, de rayer le mot « schizophrénie » de leur nom. Il existe des approches scientifiques et fructueuses pour comprendre la « folie ». Elles formeront, c’est à espérer, la base théorique de la pratique et la recherche clinique à venir.

La catégorisation n’est en soi pas un problème. La tendance à créer des catégories est fortement ancrée dans le cerveau humain et assure notre survie. La mission est davantage de trouver des catégories sur lesquelles nous pouvons d’une part nous entendre (fiabilité) et d’autre part qui sont pertinentes et utiles (validité). Ce n’est pas difficile. L’hétérogénéité de la structure » schizophrénie » est connue depuis des centaines d’années. Bleuler la souligne en nommant sa célèbre monographie de 1911 Dementia praecox ou groupe des schizophrénies. Il y a eu de nombreuses tentatives d’éclater cette structure en unités plus petites et plus fiables. La dernière version officielle, celle de la DSM-IV, faisait la différence entre le « type paranoïde », « type désorganisé », « type catatonique », « type indifférencié » et « type résiduel ». L’APA a heureusement proposé de rayer tous ces sous-types dans les DMS-5 (APA, 2011). La meilleure façon de répartir la structure en sous-types est de rechercher quels sont les symptômes qui apparaissent en réalité ensemble. La première subdivision basée sur la preuve faisait la distinction entre les symptômes « positifs » (en comparaison avec le vécu « normal » de modes d’expérience et de comportements qui apparaissent en plus ou exagérés comme le délire ou les hallucinations) et les symptômes « négatifs » (des déficits comme l’aplatissement affectif et le repli social). Un exemple du gain résultant de l’application de structures fiables est la constatation que des individus sans symptomatique négative ont des pronostics d’évaluation particulièrement favorables. Les symptômes positifs se laissaient sous-diviser d’une manière fiable, comme cela a été rapidement constaté, entre « déformation de la réalité » (délire et hallucination) et « désorganisation » (troubles de la pensée, émotions inadéquates et comportement bizarre), ce qui donne avec les symptômes négatifs un modèle à trois facteurs. D’autres scientifiques ont déterminé quatre ou cinq facteurs. Outre ces tentatives utiles de trouver des regroupements fiables de comportements et de modes de vécu, il existe une focalisation croissante sur des formes précises de comportement et de vécu. Nous verrons plus loin que nous faisons des progrès significatifs à la fois dans la compréhension et également en ce qui concerne les possibilités d’assistance, dès que nous oublions le spectre de la « schizophrénie » et nous concentrons à la place sur des structures définissables et mesurables telles que des idées délirantes et des hallucinations. Les structures telles que le délire et les hallucinations peuvent même à leur tour être décomposées en variables dimensionnelles fiables et cliniquement précieuses telles que la durée, l’intensité, la fréquence, le degré de conviction, l’ampleur du trouble et la souffrance psychique.

Il est nécessaire d’apporter une attention tout aussi importante aux questions « Que signifierait pour vous la guérison ? » et « De quoi avez-vous besoin », qu’à la question « Qu’est-ce qui ne va pas avec vous ? » et « Quel nom devons-nous lui donner ? ». De plus en plus, des dimensions de la qualité de vie sont utilisées, qui couvrent les domaines comme le respect de soi, les relations familières, les amitiés, la situation de l’habitat, le revenu, l’autonomie, l’empowerment, la santé physique, la vie affective, etc. Plusieurs instruments présentant une bonne fiabilité ont été spécialement développés pour les personnes diagnostiquées avec « schizophrénie » (par ex. Boyer et coll., 2010), également même s’il n’apparait pas clairement pourquoi quelqu’un avec ce diagnostic devrait avoir d’autres besoins vitaux que d’autres individus. Si l’on interroge par exemple la personne concernée sur ses représentations de la guérison, les réponses vont clairement au-delà d’une réduction des symptômes (Pitt et coll., 2007) et s’orientent plutôt sur la qualité de la vie sociale (Byrne et coll., 2010). Un questionnaire développé en collaboration avec les personnes concernées contient à la fois des items « intrapersonnels » et « interpersonnels’’. Contrairement à la structure « schizophrénie » stigmatisante et non scientifique, cette dimension possède une bonne fiabilité et validité (Neil et coll., 2009) et un réel intérêt.

L’auteur

John Read, PhD, professeur de Psychologie clinique à l’Université d’East London, travaillait depuis 20 ans en tant que psychologue clinique et chef des services psychosociaux au Royaume-Uni et aux États-Unis, avant d’entrer en 1994 à l’Université d’Auckland (Nouvelle-Zélande), où il y a travaillé jusqu’en 2013. Il a dirigé à la fois à Auckland et également plus tard à l’Université de Liverpool le programme doctoral. En 2010, il a été récompensé par le Hunter Award de la New Zealand Psychological Society. Read fait partie du comité d’administration de l’International Society for Psychological and Social Approaches to Psychosis (www.isps.org) et est l’éditeur du magazine Psychosis. Pour de plus amples informations, cf. :

http://www.tandfonline.com/toc/rpsy20/current

https://www.uel.ac.uk/Staff/r/john-read

Monographies publiées :

Geekie, J., & Read, J. (2009). Making Sense of Madness: Contesting the Meaning of Schizophrenia. London: Routledge.

Read, J., & Dillon, J. (2013). Models of Madness (2. éd.). London : Routledge.