Article inédit (thème principal) - Synthèse
Agnes von Wyl, Aureliano Crameri, Margit Koemeda, Volker Tschuschke, Peter Schulthess
Étude de la pratique de la psychothérapie ambulatoire en Suisse (PAP-S) : design et faisabilité
Mots-clés: Psychothérapie, étude d’outcome, design de type prospectif et naturaliste, techniques psychothérapeutiques.
Dans le contexte de l’exigence d’une médecine fondée sur l’évidence, il est également demandé à la psychothé-rapie qu’elle démontre son efficacité. C’est pourquoi la Charte pour la psychothérapie, qui fédère les institutions suisses de formation en psychothérapie, avait lancé en 2004 déjà l’idée de mener une étude d’outcome des traitements, de type prospectif et naturaliste. Elle a demandé à tous ses membres de participer à cette recherche. En Suisse, des courants de psychothérapie très différents continuent à être pratiqués. C’est pourquoi cette étude a également offert une occasion unique de déterminer si les thérapeutes appartenant aux différents courants utilisent les techniques qui sont considérées comme spécifiques de ces derniers ou si, par exemple, il existe un certain nombre de techniques qui sont toutes mises en œuvre dans le cadre d’approches variées.
Dans le présent article, nous présentons avant tout le design de l’étude ainsi que les données de type descriptif acquises lors de l’enquête visant à définir une baseline. Neufs instituts de psychothérapie ou associations ont participé à l’étude : l’Association Suisse d’Analyse Transactionnelle (ASAT/SGTQ), l’Institut für Prozessarbeit (IPA, anciennement appelé POP), l’Institut de psychothérapie corporelle intégrative (IBP), la Société internatio-nale de psychothérapie existentielle (IGEAP), le Schweizer Institut für Logotherapie und Existenzanalyse (ILE), la Société européenne d’études interdisciplinaires (EGIS), la Société Suisse d’Analyse et de Thérapie Bioénergé-tique (SSATB/SGBAT), la Société Suisse de Psychologie Analytique (SSPA/SGAP) et l’Association suisse de thérapie gestalt et intégrative (SVG). De plus, deux thérapeutes d’orientation psychanalytique ont participé à l’étude et les données en rapport avec la SSATB ont été complétées des résultats de thérapies menées par des membres de la SGBAT autrichienne.
Au total, 86 thérapeutes ont participé à l’étude ; ils ont recruté 362 patients – dont 238 femmes et 124 hommes – âgés entre 17 et 72 ans. Les principaux instruments de mesure d’outcome ont été les suivants : l’OQ-45 (Out-come Questionnaire), le BSI (Brief Symptom Inventory), le BDI (Beck Depression Inventory), le GAF (Global Assessment of Functioning) et l’OPD-2 au niveau de la structure (OPD= diagnostic psychodynamique opéra-tionnalisé). Ont également été utilisés d’autres questionnaires concernant, par exemple, la relation thérapeutique et les facteurs ayant motivé le traitement. Enfin, des évaluateurs externes ont été chargés de poser un diagnostic en fonction des axes I et II du DSM-IV.
Le design de la recherche a été celui d’une étude des processus et de l’outcome des traitements, de type prospec-tif et naturaliste. Trois assessments ont eu lieu, qui furent menés par des évaluateurs externes : un assessment pré- (en règle générale avant la 5e séance de thérapie), un assessment post- (une fois le traitement terminé) et un assessment de type catamnèse (un an après la fin de la thérapie). Les thérapeutes et leurs patients ont rempli toutes les cinq séances des questionnaires visant à mesurer les processus. Enfin, les thérapies ont été enregistrées, puis certains enregistrements ont été écoutés par des évaluateurs chargés de classifier les interventions en fonc-tion des différents courants psychothérapeutiques. Dans ce but, un groupe de travail a élaboré un manuel de rating permettant d’évaluer les interventions. On a demandé à tous les instituts et à tous les groupements partici-pant à l’étude de définir jusqu’à 10 interventions qu’ils considéraient comme typiques et pertinentes du point de vue de leur méthode. Les interventions typiques appliquées dans le cadre d’approches ne participant pas à l’étude ont été ajoutées en collaboration avec des experts dans ces méthodes. Il s’agissait des approches suivantes : thérapie cognitive du comportement, psychothérapie psychanalytique, psychothérapie centrée sur le client et thérapie systémique. Enfin, des interventions plus globales, décrites dans la littérature, ont été ajoutées.
Concernant les cinq principaux instruments de mesure de l’outcome, il s’est avéré que 80% des patient/es se situaient à un niveau dysfonctionnel (en rapport avec au moins un instrument). Par ailleurs, pour 90% d’entre eux un diagnostic situé sur l’axe I du DSM IV pouvait être considéré comme justifié. Les prochaines évaluations s’intéresseront aux résultats acquis par rapport à l’outcome des traitements et au processus thérapeutique.