« Je réfléchis à ce que ça fait d’être une femme »

La sensibilité au genre des psychothérapeutes

Julia Groinig & Brigitte Schigl

Psychotherapie-Wissenschaft 14 (1) 2024 65–66

www.psychotherapie-wissenschaft.info

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/1664-9583-2024-1-65

Mots clés : psychothérapie/Thérapie intégrative, doing gender, sensibilité au genre, diversité, accord sur les objectifs

L’appartenance à un genre et les dynamiques qui en découlent sont pertinentes pour tous les individus. En tant que catégorie de processus et de structure, la composante socioculturelle du sexe (= genre) influence les biographies individuelles et leurs enjeux, y compris la santé (mentale). Dans la psychothérapie en tant que méthode de traitement des troubles psychiques, le genre joue également un rôle important (Schigl 2018). La souffrance psychique des patients et patientes est souvent liée à des représentations normatives de la féminité et de la masculinité. Les psychothérapeutes, en tant que personnes avec leur appartenance à un sexe et leurs projets de vie individuels, ont eux aussi des idées sur ce qu’est une femme ou un homme accompli(e) en général et pour leurs patients et patientes respectifs en particulier. L’interaction thérapeutique est ainsi également teintée par la dynamique du Doing Gender (Schigl 2021). La question se pose de savoir dans quelle mesure les patients et patientes, mais surtout leurs psychothérapeutes, sont conscients de cette influence du genre – ce qu’il conviendrait d’exiger de la part des psychothérapeutes comme sensibilité et compétence en matière de genre (Schigl & Ahlers 2023). Les premières heures de traitement psychothérapeutique, au cours desquelles la relation thérapeutique est établie et les objectifs du traitement sont convenus, constituent une phase particulièrement sensible (Tryon 2018). Si cette phase réussit, elle a un impact positif sur le succès de la psychothérapie (Schöttke et al. 2014).

Telles étaient les réflexions de départ pour une étude qualitative dans laquelle le point de vue de 7 psychothérapeutes de la thérapie intégrative, une méthode humaniste, a été examiné à l’exemple des processus de définition d’objectifs avec 2 de leurs patients récents. La sélection des personnes interviewées a tenu compte de la diversité en matière d’origine géographique (ville/campagne), d’âge et d’appartenance à un sexe. Une analyse critique du discours (Jäger 2009) des entretiens transcrits a permis de mettre en évidence les positions du sujet impliquées dans les déclarations des psychothérapeutes interrogés, les objets fabriqués discursivement et les possibilités d’action offertes, ouvertes ou refusées dans le cadre de ces déclarations, par exemple en ce qui concerne les attributions de la masculinité ou de la féminité. Ici, une attention particulière a été portée aux connaissances (de genre) considérées comme allant de soi par les personnes interviewées ainsi qu’à celles qui ne sont pas explicites et qui sont donc supposées être la norme. Les fragments de discours ainsi mis en évidence ont été regroupés en lignes de discours et analysés afin de déterminer dans quelle mesure les psychothérapeutes interrogés sont conscients de leurs propres hypothèses sur le genre, s’ils reproduisent plutôt les stéréotypes de genre ou s’ils les assouplissent, s’ils considèrent leur propre genre comme pertinent dans le processus thérapeutique et à quels discours sur le genre ils ont recours.

Le principal résultat est que les psychothérapeutes ne réfléchissent aux aspects de genre qu’après avoir été incités (de l’extérieur) à le faire. Lorsqu’ils le font, ils utilisent surtout des perspectives théoriques de la différence, qui mettent l’accent sur la différence entre les femmes et les hommes, ainsi que des hypothèses socioconstructivistes, même si elles sont floues. La problématique du biais de genre et de la cécité de genre ainsi que les images normatives de la famille que les psychothérapeutes reproduisent sont d’autres éléments de discours qui se sont développés lors de l’évaluation. La sexualité n’est mentionnée que dans le contexte de l’hétérosexualité. Une autre perspective de discours des psychothérapeutes est celle de l’intersectionnalité ou de la prise en compte d’autres aspects de la diversité, qui sont cependant souvent très stéréotypés, surtout en relation avec les patients et patients migrants. Le regard porté sur sa propre appartenance sexuelle en tant que partie de la dynamique relationnelle thérapeutique en tant qu’indicateur de la sensibilité au genre n’a pu être trouvé que chez quelques-unes des personnes interrogées. Cela renvoie à la nécessité de promouvoir activement la sensibilité au genre dans la formation et la supervision des psychothérapeutes, afin que de tels processus de réflexion fassent partie intégrante du traitement psychothérapeutique.

Note biographique

Julia Groinig, BA BA MA MSc.

Brigitte Schigl, Prof.in Dr.in MSc. (corresponding author); Karl Landsteiner Privatuniversität für Gesundheitswissenschaften, et Universität für Weiterbildung, Krems; ORCID: https://orcid.org/0000-0001-9646-3074.

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