Quelles sont les trajectoires de développement personnel et professionnel de thérapeutes chevronnés ?

Exploration de leurs expériences

Hubert de Condé, Jochem Willemsen & Emmanuelle Zech

Psychotherapie-Wissenschaft 13 (2) 2023 51–62

www.psychotherapie-wissenschaft.info

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/1664-9583-2023-2-51

Résumé : Cette étude a pour objectif d’explorer et d’obtenir une meilleure compréhension du développement personnel et professionnel des thérapeutes et de leurs besoins de formation. Sept thérapeutes chevronnés provenant de différentes orientations ont été interrogés. Les questions posées étaient focalisées sur les événements significatifs qui ont eu un impact sur leur développement professionnel et leur manière de percevoir la profession ainsi qu’eux-mêmes. Une analyse thématique de leurs entretiens a fait émerger plusieurs thèmes liés à leur développement en tant que thérapeute : (1) le développement personnel et professionnel et sa relation fluctuante à la théorie (2) le développement personnel et professionnel requiert une formation continue, et (3) le développement personnel et professionnel et la motivation à exercer et à choisir cette profession. Les résultats de cette étude soulignent la nécessité de reconnaître et de valoriser le développement personnel comme une partie intégrante du développement professionnel des psychothérapeutes.

Mots-clés : recherche qualitative, thérapeute, développement personnel et professionnel, événements significatifs

Le métier de thérapeute est une profession qui comporte des difficultés et des obstacles. Ces difficultés sont relatives aux thématiques que les client·e·s abordent, à la volonté d’aider les autres, d’être efficace et de ne pas nuire à autrui. Ce métier demande de l’énergie mentale, émotionnelle et physique (Emery et al., 2009; Larsen & Stamm, 2012; Rønnestad et al., 2019; Rønnestad & Skovholt, 2003; Skovholt & Rønnestad, 2003). Le climat de la pandémie, lié au COVID-19, a également fragilisé les professionnels de la santé en augmentant notamment les risques de dépression, d’anxiété et d’épuisement (El-Hage et al., 2020). Ce contexte exerce une certaine pression à ce que les thérapeutes se forment à intervenir de manière plus rapide et efficace car la demande en soins de santé ne cesse d’augmenter et les institutions doivent pouvoir y répondre dans l’urgence (Unger, 2018). Cette hausse pousse les institutions à traiter rapidement les personnes plutôt que d’accroître les ressources financières, ce qui fait qu’elles ont tendance à se tourner vers des interventions rentables et peu coûteuses (Moreno et al., 2020).

La question se pose de savoir ce qui permet aux personnes d’exercer ce métier si complexe, de continuer à s’y investir activement et de le poursuivre au cours de leur vie, tout en se formant de manière continue (Schwartz & Bryan, 1998). Une manière d’y répondre serait de s’intéresser à ce qui favorise le développement des compétences professionnelles en santé mentale, à savoir les formations en sciences psychologiques, en médecine, en spécialisation en counseling ou psychothérapie (Jennings et al., 2003; Rønnestad et al., 2019). Cet article investigue le rôle des formations en psychothérapie dans le développement des compétences professionnelles des psychothérapeutes.

Selon les règlementations nationales et internationales et les associations professionnelles, une formation de qualité avec un bachelier suivi de minimum trois à quatre années de formations complémentaires en écoles privées, hautes écoles ou universités est nécessaire pour obtenir un diplôme en psychothérapie (Deurzen, 2001; EPA, 2017). Bien que des règles encadrent les formations en psychothérapie, le titre de psychothérapeute et l’exercice de la psychothérapie ne sont pas protégés dans tous les pays (Van Broeck & Lietaer, 2008). Deux perspectives quant à la formation des thérapeutes sont présentes dans la littérature : l’une met l’accent sur le développement de compétences professionnelles, que nous appellerons la perspective du self compartimenté (Rief, 2021), et l’autre qui met en avant le développement personnel, que nous appellerons la perspective du self intégré (Zech et al., 2021). Si beaucoup de recherches investiguent l’apport des formations sur l’apprentissage et la satisfaction des thérapeutes, peu de recherches se centrent sur la personne-du-thérapeute (Regas et al., 2017; Salter & Rhodes, 2018). Dans cet article, nous allons d’abord examiner ce que la littérature conclut sur l’intégration des aspects personnels et professionnels. Ensuite, à l’aide d’entretiens réalisés auprès de thérapeutes chevronnés, nous explorerons plus en profondeur leur développement personnel et professionnel.

Les formations en psychothérapies

Depuis plus d’un siècle, des formations en psychothérapie provenant de différents référents théoriques sont proposées (Norcross et al., 2011). Celles-ci sont de plus en plus régulées, voire obligatoires car il y a un souhait de protéger la pratique de la psychothérapie (Rohr, 2021; Schulthess, 2021). Il est communément admis que la formation continue des thérapeutes est essentielle à l’entretien et au renouvellement des compétences professionnelles (Barkham et al., 2021).

Plusieurs raisons motivent les thérapeutes à suivre ces formations, comme être plus sécures financièrement et socialement, approfondir leurs connaissances, cultiver leur curiosité ou leur altruisme (Safi et al., 2017). Des éléments biographiques personnels, comme des difficultés personnelles ou l’expérience de la thérapie personnelle, poussent également les thérapeutes à se former à la psychothérapie (Barnett, 2007; McBeath, 2019). Les éléments qui constituent ces formations en psychothérapie sont le plus communément : du contenu théorique (séminaires, conférences et lectures), une pratique clinique supervisée, des travaux de rédaction (analyse de cas et réflexion) et du travail personnel (EPA, 2017).

Avant d’entamer leur formation, les thérapeutes doivent s’orienter vers une approche théorique (Plchová et al., 2016). Ces orientations théoriques guident et conseillent les thérapeutes à propos de leur pratique clinique, à comprendre les processus psychologiques des client·e·s et à intervenir auprès de ceux-ci (Kazdin, 2000). Ce choix n’est donc pas anodin et peut être influencé par des besoins personnels et professionnels du thérapeute comme : ses valeurs personnelles, sa manière de voir le monde, sa formation initiale, ses premières expériences cliniques, ses superviseurs ou ses collègues (Arthur, 2001). De la dissonance cognitive peut apparaître si les objectifs d’apprentissage de l’approche ne rencontrent pas les besoins et valeurs du thérapeute, pouvant provoquer du stress et diminuer l’effet thérapeutique (Salter & Rhodes, 2018).

Le développement professionnel et le développement personnel

Les thérapeutes sont encouragés à tenir leurs niveaux de compétences professionnelles et de développement personnel à jour, même après l’achèvement de leur formation en psychothérapie (EPA, 2017). Les concepts de développement professionnel et de développement personnel, de même que leurs similitudes et différences, sont présentés dans cette section.

D’une part, le Développement Professionnel est un « processus développemental qui permet d’acquérir, d’élargir, d’affiner et de maintenir des connaissances, des compétences, des aptitudes et des qualifications nécessaires à un fonctionnement compétent et professionnel » (Elman et al., 2005, p. 368). Dans ce même ordre d’idée, le Développement Professionnel Continu (CPD) est une stratégie pour des personnes leur permettant de maintenir du savoir et des compétences en lien avec leur vie professionnelle et qui visent à améliorer l’efficacité professionnelle via l’entretien de compétences et d’expertise professionnelle mais également du bien-être personnel (Collin et al., 2012). Le CPD permet d’entretenir les compétences des praticiens afin de fournir une haute qualité de soins (Agha, 2022).

D’autre part, le Développement Personnel se définit par les processus d’auto-actualisation et d’individuation (Jaotombo, 2009). L’auto-actualisation est « un processus à travers lequel le potentiel de l’individu se développe en congruence avec sa perception de soi et sa propre expérience » (Leclerc et al., 1998, cités dans Jaotombo, 2009, p. 33). L’individuation, quant à elle, est « la tendance à devenir un être réellement individuel […], il s’agit de la réalisation de son soi dans ce qu’il y a de plus personnel et rebelle » (Jung, 1964, cité dans Jaotombo, 2009, p. 35). Dans ces définitions, le travail personnel psychothérapeutique est présenté comme un concept similaire à celui du développement personnel (Jaotombo, 2009). En suivant cette logique de pensée, la thérapie personnelle du thérapeute serait un moyen fondamental pour favoriser le développement personnel. A ce propos, le travail personnel est recommandé mais pas toujours obligatoire car imposer un suivi personnel amène un questionnement éthique, où l’autonomie de la personne dans le choix d’entreprendre cet accompagnement n’est pas respecté (Orlinsky et al., 2011).

Certains aspects de ces concepts sont communs alors que d’autres ne les associent pas forcément. Une première caractéristique commune entre ces deux concepts est la réflexivité. Elle est définie comme un processus de pensée par lequel les thérapeutes analysent ou évaluent une situation complexe, de manière à apporter des décisions et conclusions plus adéquates et efficaces (Schön, 1983; Stedmon & Dallos, 2009). Entretenir sa réflexivité, avec une volonté de s’améliorer continuellement, permet d’être activement impliqué dans le processus de CPD, car le métier de thérapeute présente de nombreux défis dont celui d’avoir conscience de ses propres biais et croyances, issus de sa propre expérience (HCPC, 2019). Il est essentiel d’allier une démarche critique de cette subjectivité à un développement personnel (Kuenzli-Monard, 2006). Cette subjectivité doit être reconnue et travaillée, dans un processus réflexif car elle peut contaminer l’écoute et l’alliance thérapeutique affectant ainsi l’efficacité thérapeutique (Larivée et al., 2018). Ce processus réflexif peut se réaliser à la fois dans le cadre de supervisions et d’intervisions (Rønnestad et al., 2019) mais également à travers le travail personnel (Kuenzli-Monard, 2006).

Une seconde caractéristique commune est l’aspect continu développement professionnel et du développement personnel. Ce développement continu illustre que tant le développement personnel que professionnel se développent indéfiniment. Cependant, il y a également un manque de consensus par rapport à la relation entre le développement professionnel et le développement personnel. Le lien entre ces deux concepts reste confus. Le développement personnel est soit séparé du développement professionnel (Agha, 2022), soit intégré à sa définition via une dimension de bien-être personnel (Collin et al., 2012; Elman et al., 2005). Ce non-consensus pourrait expliquer la présence des perspectives compartimentée et intégrée quant à la manière d’envisager la formation des thérapeutes. Chaque approche théorique s’inscrit plus dans l’une ou l’autre perspective.

En effet, bien que les formations en psychothérapie respectent des directives communes (EPA, 2017), des nuances existent entre les approches. Les approches théoriques diffèrent par rapport à l’importance du travail personnel à effectuer pendant la formation. S’il s’avère que la plupart des thérapeutes effectuent un travail personnel, cette proportion varie en fonction de l’orientation théorique (Orlinsky et al., 2011). Les thérapeutes psychodynamiques et humanistes ont tendance à plus faire appel à la thérapie personnelle, tandis que les thérapeutes d’orientation cognitivo-comportementale (TCC) semblent y avoir moins recours (Orlinsky et al., 2011). Cette tendance suggère que les approches psychodynamique et humaniste considèrent le développement personnel comme plus essentiel que l’approche TCC (Stedmon & Dallos, 2009). Ce constat a permis d’aider à situer les approches théoriques entre la perspective compartimentée et la perspective intégrée.

Perspective du self compartimenté de la personne-du-thérapeute

La perspective du self compartimenté considère que le développement professionnel et le développement personnel sont deux entités qui se développent séparément (Rief, 2021). La perspective compartimentée se focalise davantage sur le développement de connaissances et de compétences professionnelles que sur le développement personnel des thérapeutes (Stedmon & Dallos, 2009).

Les modèles d’apprentissage des thérapeutes en stades développementaux illustrent la philosophie de la perspective compartimentée. Ces conceptions de développement professionnel en stades sont reprises par plusieurs auteurs (Rønnestad et al., 2019; Miller, 1990 et van Ooijen, 2013, cités dans Zech et al., 2021). Ces modèles postulent que chaque thérapeute commence par être un novice inexpérimenté pour se développer jusqu’au stade d’expert. Selon cette perspective, tous les thérapeutes suivent un parcours développemental similaire.

Un modèle a été développé dans le cadre des formations TCC afin de reprendre les méthodes d’apprentissage utilisées dans ces formations (Bennett-Levy, 2006). Le modèle Déclaratif Procédural Réflexif (DPR) présente deux selfs qui sont séparés : le self personnel et le self en tant que thérapeute. Le DRP se focalise principalement sur des méthodes d’enseignement qui privilégient le développement de savoirs et de savoir-faire qui sont conceptualisés comme compartimentés, bien que la réflexivité fait le pont entre ces savoirs, via des activités expérientielles et de réflexions (supervisions, travail personnel) (Bennett-Levy et al., 2009).

Cette perspective accorde plus d’importance au développement de techniques et de savoirs sans omettre ni le développement personnel, ni la réflexivité. Une critique de cette perspective soutient que si une formation se focalise exclusivement sur les techniques, cela peut amener un processus d’apprentissage mécanique et impersonnel qui fragmente la personne-du-thérapeute (Salter & Rhodes, 2018).

Perspective du self intégré de la personne-du-thérapeute

La perspective du self intégré estime que le développement des compétences professionnelles et le développement personnel se développent de manière conjointe (Salter & Rhodes, 2018; Zech et al., 2021). Cette perspective se centre plutôt sur les ressources personnelles des thérapeutes, à savoir leur personnalité résiliente, leurs expériences personnelles, leurs valeurs humaines et conceptions de la vie, du bien-être, de l’aide aux autres, à la place qu’elles veulent laisser et donner aux autres (Zech et al., 2021). Elle met également en évidence la question de la résolution des conflits internes, des problèmes personnels et des angles morts (Lietaer & Zech, 2021).

Dans la perspective intégrée, la trajectoire développementale de la personne-du-thérapeute est unique et personnelle. L’aspect de constante interaction entre le savoir, le savoir-faire et le savoir-être amène un processus de développement du thérapeute qui est en évolution continuelle. Cette manière de mettre la personne du thérapeute au centre du processus d’apprentissage et de développement se réfère aux concepts de développement de la personnalité auto-actualisante (Rogers, 1965) ou au processus d’individuation (Jaotombo, 2009). La perspective intégrée met en avant une vision où le développement personnel est considéré comme un processus égal et en intégration avec le développement professionnel.

Le processus d’apprentissage de cette perspective s’appuie sur des aspects interdépendants de savoir-être, de savoir-faire et de savoirs (Zech et al., 2021). Ces aspects ont différents niveaux d’importance, suivant un continuum entre ces différents savoirs comprenant des éléments comme : la manière d’être, les attitudes thérapeutiques, l’alliance thérapeutique, les compétences et les techniques (Zech, 2021). Cette interdépendance entre les savoirs démontre d’une intégration entre le développement personnel et le développement professionnel au sein du processus d’apprentissage.

Le travail personnel du thérapeute est mis en évidence dans les formations appartenant à la perspective intégrée. Selon cette perspective, stimuler le développement de la personne-du-thérapeute revient à élever la conscience de soi vers plus d’authenticité. Des auteurs soulignent l’importance de résoudre ses propres difficultés psychosociales, permettant une meilleure congruence dans la rencontre avec le client·e (Lietaer & Zech, 2021; Regas et al., 2017). Dès lors, une meilleure congruence permet de favoriser la compréhension empathique, l’adaptabilité ou la flexibilité du thérapeute (Mearns, 1997; Rogers, 1975). Ces aspects corroborent l’idée que la vocation de thérapeute est fortement liée à sa personne, de par son savoir-être. Cette perspective met l’accent sur le travail personnel, un aspect important du développement personnel, grâce auquel le thérapeute peut développer plus de congruence et de résilience en situation professionnelle.

Des auteurs critiquent l’apprentissage réflexif et expérientiel, déclarant qu’il y a un manque de données probantes à l’appui de son importance dans la formation des thérapeutes. Selon eux, il existe des limites à prendre conscience de ses biais d’interprétation, à s’auto-évaluer et à développer des compétences professionnelles via un apprentissage expérientiel (Lilienfeld & Basterfield, 2020). La réflexivité pourrait amener le thérapeute à confirmer ses biais d’interprétation plutôt que de les remettre en question.

Conclusion sur ces deux perspectives

La répartition des approches thérapeutiques entre ces deux perspectives doit être nuancée. Il serait erroné de relier toutes les approches TCC à la perspective compartimentée, bien que celles-ci ont tendance à percevoir la personne-du-thérapeute de manière compartimentée. Certaines formations appartenant à la troisième vague des TCC semblent prendre davantage en compte le développement personnel, encourageant le thérapeute à se focaliser sur son expérience émotionnelle (Orlinsky et al., 2011) et sa réflexivité (Bennett-Levy et al., 2001). Une tendance actuelle de toutes les formations à se tourner vers la perspective intégrée est remarquée dans la littérature (Elliott et al., 2013; Stedmon & Dallos, 2009).

En résumé, la perspective compartimentée met l’accent sur le développement professionnel tandis que la perspective intégrée se focalise davantage sur le développement personnel en intégrant le développement de compétences professionnelles. Ce qui différencie les perspectives intégrée et compartimentée est, d’une part, la place du développement personnel de la personne-du-thérapeute par rapport au développement professionnel et, d’autre part, la trajectoire de développement que suit le thérapeute. La perspective compartimentée marque une tendance à un apprentissage linéaire, mais également circulaire dans le processus réflexif des thérapeutes (Bennett-Levy et al., 2009). La perspective intégrée conçoit dès le départ la trajectoire du thérapeute de manière circulaire, c’est-à-dire que l’apprentissage se développe entre la théorie et l’expérience via le processus réflexif (Stedmon & Dallos, 2009). Face à ces deux manières de former les thérapeutes, la question se pose d’explorer comment l’identité professionnelle et personnelle des thérapeutes se développe au cours de la vie. L’idée de cette étude est de développer une compréhension du Développement Personnel et Professionnel (PPD) des thérapeutes sur la base d’une série d’entretiens avec des thérapeutes chevronnés.

Méthode

Participant·e·s. Pour le recrutement des participant·e·s, l’étude a été diffusée auprès de réseaux professionnels de l’équipe de recherche, de formateurs et de thérapeutes inscrits à différentes associations belges de psychothérapie. Tous les thérapeutes intéressés par cette étude y ont participé. Le critère d’inclusion des participant·e·s était d’avoir au minimum dix ans de pratique. Sept thérapeutes chevronnés ont été recrutés et interrogés via un échantillonnage raisonné (Etikan et al., 2016). L’objectif était de recruter des participant·e·s appartenant à différents courants théoriques. À la suite d’une procédure d’autoidentification de l’approche théorique de chaque participant·e, l’échantillon se compose d’un thérapeute centré sur la personne, d’un thérapeute TCC, d’un thérapeute intégratif, de trois psychanalystes et d’un thérapeute systémicien. Les participant·e·s sont âgés de 41 à 66 ans (M = 49,8 ; SD = 18). Cinq thérapeutes sont des hommes et deux sont des femmes.

Des entretiens semi-structurés d’environ une heure, de 60 à 90 minutes, ont été menés auprès de cet échantillon. L’objectif était d’accorder une écoute phénoménologique des expériences de thérapeutes expérimentés, car ceux-ci ont une vision plus globale de leurs parcours que des thérapeutes débutants. En plus du canevas de questions ouvertes, le rythme et les réflexions des participant·e·s étaient suivis au maximum, privilégiant un recueil au plus proche de leur vécu expérientiel et personnel (Antoine & Smith, 2017; Morais, 2013; Restivo et al., 2018).

Récolte des données. Une série de thèmes étaient abordée lors de ces entretiens. (1) La rencontre débutait par des questions générales abordant le parcours professionnel et les éventuels changements au cours de celui-ci, comme par exemple : « Comment résumeriez-vous votre parcours professionnel ? », « Pouvez-vous me relater les éventuels changements au cours de votre vie professionnelle ? ou « Pourriez-vous illustrer comment ces changements se sont opérés ? ». (2) D’autres questions évoquaient les aspects d’orientation théorique et de formation, comme par exemple : « Dans quel courant votre pratique actuelle s’inscrit-elle ? », « Comment votre pratique se réfère à ce courant ? », « Quelles formations avez-vous suivies ? Pourriez-vous me raconter votre expérience de ces formations ? ». (3) Des questions générales sondaient leur pratique clinique, comme par exemple : « Pourriez-vous m’expliquer votre pratique professionnelle ? » ou « Comment définiriez-vous la finalité de votre pratique ? ». (4) Des questions abordaient leur compréhension du concept de savoir-être : « Qu’est-ce que vous en pensez ? », « Comment développer ce savoir-être ? » ou « Pouvez-vous illustrer la manière avec laquelle vous travaillez avec cette notion ? ». Afin de diminuer les biais dans la récolte des données, les questions posées étaient ouvertes (Morais, 2013). Des questions de relance ou de reformulation pour clarifier certains aspects étaient posées. Afin de clore l’entretien, les thérapeutes avaient l’occasion d’exprimer leur ressentis et leurs commentaires quant au déroulement et aux contenus abordés.

Analyse des données. Les données recueillies ont été analysées via une analyse thématique (Clarke & Braun, 2017). Cette méthode permet l’exploration d’une large question et considère les participant·e·s comme des collaborateurs à la recherche. Le partage de leurs expériences phénoménologiques peut générer des contradictions au sein de l’échantillon et des réflexions inattendues (Braun & Clarke, 2006; Clarke & Braun, 2017). Cette méthode de recherche permet une flexibilité qui est pertinente dans l’exploration et la compréhension du développement personnel et professionnel des thérapeutes, tout en veillant à l’intégrité du chercheur, y compris dans le rendu des résultats (Levitt, 2018). Dans cet article, des parties d’extraits ont été modifiées afin de ne pas pouvoir les identifier les participant·e·s et de respecter leur anonymat. Les critères de l’analyse thématique préconisés par Braun & Clarke (2006 ; 2017) ont été respectés afin de contrôler les aspects potentiellement négatifs de la flexibilité d’une méthode qualitative, permettant de faire émerger des thèmes de manière objective et neutre. Les données ont été enregistrées et retranscrites sous forme de verbatim. Une analyse scrupuleuse et active a permis de faire émerger des thèmes communs.

Résultats

Trois thèmes généraux ont émergé des entretiens, à savoir le PPD et sa relation fluctuante à la théorie, le PPD requiert une formation continue et le PPD et la motivation à exercer et à choisir cette profession. Les sujets de discussion abordés par les participant·e·s ont permis de créer ces différents thèmes. En analysant les verbatims, les similarités à propos de thèmes identiques ont été mis en évidence. Par exemple, tous les thérapeutes ont abordé des aspects liés au setting thérapeutique et au cadre, ce qui a permis de créer le sous-thème de « réflexions sur le cadre ». Le Tableau 1 explicite les thèmes et les sous-thèmes qui ont émergé ainsi que la représentativité au sein de l’échantillon pour chacun des sous-thèmes. Des extraits sont cités dans cette section, les annotations relatives à ceux-ci se présentent telles que « T3 », reprenant les propos du thérapeute interviewé en troisième lieu.


Tab. 1 : Présentation des thèmes et des sous-thèmes qui ont émergés des entretiens

Thèmes et sous-thèmes

Proportiona

Thème 1 : « Le développement personnel et professionnel et sa relation fluctuante à la théorie »

Les thérapeutes rapportent qu’ils se distancient de la théorie et se rapprochent de ce qui se passe en eux. Ils confient qu’en étant plus tolérants par rapport à leur subjectivité, ils peuvent considérer leur personne en tant que source d’information légitime et valide, tout comme un référent théorique. Ce thème illustre une intégration entre des aspects de développement personnel et de savoirs professionnels. Auprès de tous les thérapeutes, des références très explicites sont présentes par rapport à leur capacité à appliquer ou non des savoirs théoriques au sein de leurs interventions ou de leurs réflexions. Les participant·e·s se sont référés aux aspects théoriques dans lesquels ils ancrent leur pratique et leur parcours en tant que thérapeute. Ce thème se réfère à une prise de distance par rapport à la théorie-même, ce qui amène les thérapeutes à se sentir libres et autonomes.

Sous-thème 1.1 : Affinement du raisonnement clinique. Des aspects liés au raisonnement clinique furent abordés par les thérapeutes de manière systématique. Les participant·e·s ont abordé leur capacité à réfléchir et à aiguiser leurs compétences conceptuelles. Trois thérapeutes ont évoqué les limites de certains outils et des théories dans leur pratique clinique. Un thérapeute soulignait qu’en fonction de son bagage théorique, il s’autorise à interroger certains aspects plutôt que d’autres, par exemple : l’enfance, la famille, etc. Un autre thérapeute disait que les outils n’avaient pas de sens s’ils n’étaient pas adaptés et centrés sur le client·e. La question de la position d’expert a été abordée par cinq thérapeutes avec, par exemple, ce qui a trait à la concrétisation d’une demande explicite vers une demande implicite, à la formulation d’une difficulté ou à la mise en place d’une intervention chez le client·e.

« Il y a une demande officielle et les gens conceptualisent eux-mêmes leurs problèmes. Ils ne sont pas forcément conscients de la thématique qui les touche en-dessous. C’est le devoir du thérapeute, de comprendre ce qui se passe ‹en dessous›. Sortir une expertise, ce n’est pas seulement répondre à la demande que les gens ont sur eux. » (T1)

Ces éléments de raisonnement clinique sont en lien avec la perception du rôle du thérapeute en tant que professionnel qui a le savoir pour intervenir auprès de la personne en souffrance, faire émerger à la conscience les processus sous-jacents en favorisant le changement et l’acceptation de ses propres difficultés. Dans le processus de raisonnement clinique, deux thérapeutes ont évoqué qu’il faut veiller à ne pas être influencé par nos pensées et à prendre conscience de nos interprétations de la situation. Ces biais d’interprétation doivent être vérifiés car, s’ils sont erronés, cela peut empêcher le thérapeute d’écouter le vécu du client·e.

Sous-thème 1.2 : Réflexion sur le cadre. Cinq thérapeutes ont abordé explicitement la notion de cadre thérapeutique, leur manière de le définir et de l’instaurer. Ils ont discuté du cadre de manière externe et contextuelle. Mais les aspects constituant le cadre ont également été définis comme un reflet de la manière de travailler du thérapeute. Ce cadre est plus ou moins rigide, en fonction des recommandations des référents théoriques ou d’une adaptation plus fluide par le thérapeute.

Lié au contexte de la pandémie, deux thérapeutes ont abordé les suivis thérapeutiques virtuellement assistés, précisant que cela modifie le cadre traditionnel présent dans une rencontre réelle. Ces entretiens virtuels sont actuellement courants et en nette augmentation. L’utilisation d’outils électroniques de communication se consolide dans un souci de respecter les règles sanitaires et est également liée à des aspects pratiques, tant pour les thérapeutes que pour les client·e·s, par exemple, en évitant les déplacements.

« Par rapport à la prise en charge virtuelle […] on peut utiliser des médias comme une tablette ou un téléphone. […] surtout avec le contexte COVID, on passe beaucoup de temps en consultations Skype. » (T6)

Six thérapeutes s’accordaient sur le fait que chacun développe son cadre, illustrant un aspect assez libre et autonome qui varie en fonction de la personne du thérapeute et de son ancrage théorique. Une contradiction a été constatée au sein de l’échantillon quant à la prise en considération du cadre. D’une part, un thérapeute a abordé la notion de cadre interne, mettant d’autant plus l’emphase sur des aspects de créativité et de flexibilité liés à la manière d’être du thérapeute. Il était contre l’idée de se fier à un cadre strict, car il y a la nécessité que le thérapeute s’adapte au client·e et aux aspects contextuels. D’autre part, un autre thérapeute était moins flexible et appliquait directement dans sa pratique le cadre théorique dicté par son approche théorique.

Sous-thème 1.3 : Orientation et réorientation théoriques à la suite de rencontres significatives. Les participant·e·s se référaient à la théorie quand ils discutaient de leur appartenance à une orientation thérapeutique ou lorsqu’ils expliquaient leur évolution quant à l’approche théorique choisie. Ces changements se sont mis en place pour la plupart face à des situations diverses : des client·e·s, des thématiques rencontrées, des types de services, des rencontres professionnelles ou personnelles. Cinq thérapeutes ont argumenté que ce n’était pas l’orientation théorique qui les obligeait à mettre en place une intervention thérapeutique. Ceux-ci ont reconnu se distancier de la théorie lors de leurs interventions via des stratégies de recul critique, d’autonomie et de créativité. Les aspects de changements, vis-à-vis de l’orientation théorique ou à la pratique clinique, rapportés par les thérapeutes se sont mis en place via des rencontres ou des discussions avec d’autres thérapeutes, formateurs ou superviseurs. Pour ces thérapeutes, ce qui façonne l’identité du thérapeute est sa manière d’agir dans une situation, sans se réduire à ce que lui dicte son courant d’appartenance.

Un thérapeute a parlé d’un événement significatif qui a fondamentalement modifié son orientation théorique. Ce changement s’est opéré à la suite d’une thérapie personnelle du thérapeute. Cela illustre comment une inadéquation entre les valeurs du thérapeute, son expérience et son orientation théorique peut créer des difficultés et, dans ce cas-ci, générer un changement complet d’orientation théorique.

« J’ai fait un suivi thérapeutique dans un autre courant […] J’en suis sortie pas bien du tout et complètement dépendante. […] J’ai osé quitter cette personne et j’ai dû en payer le prix pour la quitter. Cela a été très violent. Je me suis dit qu’il me fallait une approche plus en lien avec mes valeurs. » (T3)

Sous-thème 1.4 : Hétérogénéité dans le développement personnel et professionnel. L’historique personnel et professionnel des différents membres de l’échantillon a été mis en évidence lors de ces rencontres. Ces parcours sont riches et ne suivent pas une trajectoire linéaire et prévisible pour la plupart. Deux membres ont désiré, avant d’entamer des études en psychologie, commencer d’autres études au préalable. Au sein de l’échantillon, une manière personnelle de penser et de percevoir le monde semble être présent chez ces thérapeutes. En effet, ces deux thérapeutes ont réalisé des études complètes, différentes de la psychologie, avant de se tourner vers une formation en psychothérapie. Un thérapeute a réalisé des études en sciences de l’éducation et l'autre en sciences infirmières. Ces orientations vers le domaine psychothérapeutique ont été favorisées par un intérêt pour l’être humain et une occasion d’améliorer leurs compétences dans le domaine de l’accompagnement.

« J’étais une ado assez rebelle et j’ai détesté l’école. […] J’ai abandonné mon autre pratique professionnelle pour devenir thérapeute […] les compétences de mon ancien métier me restent utiles, notamment au niveau rédactionnel, j’ai toujours aimé écrire et rechercher la vérité. » (T5)

Thème 2 : « Le développement personnel et professionnel requiert une formation continue »

Les aspects de formation continue ont été abordés par tous les participant·e·s. Chacun des thérapeutes de l’échantillon a réalisé une formation complémentaire en psychothérapie. A la suite d’une formation de base, avec un master en sciences psychologiques ou un autre master y donnant accès, les thérapeutes se sont formés à psychothérapie. Ces formations invitent les thérapeutes à avoir une pratique supervisée et à commencer un travail personnel.

Sous-thème 2.1 : Le travail personnel. Les aspects de thérapie personnelle ont également été nommés par tous les participant·e·s. Le travail personnel a été rapporté comme essentiel afin de bien se connaître et de créer une bonne alliance thérapeutique avec les client·e·s. Suivre une thérapie personnelle a permis à ces thérapeutes de prendre conscience de leurs biais interprétatifs provenant de leur vécu personnel et de repérer les phénomènes de transfert et contre-transfert avec leurs client·e·s.

« Il faut se donner les moyens, se connaître suffisamment. Il faut savoir que l’on va être touché par certains éléments parce que cela nous concerne, on peut déminer mais cela ne va pas pour autant changer mais être au courant que c’est là. […] il y a l’aspect important d’un travail sur soi pour pouvoir rencontrer l’autre. » (T4)

Un thérapeute a également déclaré que cela permet d’expérimenter le processus thérapeutique inverse, en étant la personne écoutée. L’expérience d’avoir un moment d’écoute, centré sur soi, permet au thérapeute de mieux comprendre le processus thérapeutique. Passer d’une position d’écoutant à une position de personne écoutée est constructif pour l’identité du thérapeute.

Sous-thème 2.2 : La supervision. La supervision est le thème qui a été le plus abordé par les thérapeutes interviewés. Elle est considérée comme essentielle par tous les participant·e·s. D’après eux, elle permet de cultiver une réflexion et un esprit critique par rapport à la pratique. Plusieurs thérapeutes ont rapporté qu’ils allaient en supervision quand une difficulté apparaissait en suivi car cela prenait tout son sens à ce moment-là. Un thérapeute a relaté sa première supervision comme une expérience confrontante et révélatrice de ses lacunes au niveau de sa pratique clinique. Cela lui a fait prendre conscience à quel point une supervision est précieuse pour se développer en tant que thérapeute.

« Ce qui m’a le plus secoué, c’est quand j’ai fait ma première supervision, […] Alors, quand on enregistre ce que l’on fait et qu’on l’écoute avec le superviseur. Et qu’après dix secondes, le superviseur stoppe l’enregistrement en demandant ‹ Pourquoi vous dites ça ? › … A ce moment-là, bah vous ne vous sentez pas bien et vous l’oubliez pas pendant les dix ans à venir. […] En voyant comment on participe au blocage d’un patient·e. […] Pour moi ce n’est que par l’expérience et le retour bienveillant d’un autre professionnel que l’on en prend conscience. » (T1)

Un thérapeute était mécontent du quota d’heures de supervisions obligatoires demandées par la formation et avait préféré ne pas rencontrer de superviseur durant deux ans, après la complétion de sa formation en psychothérapie. Il préférait retourner en supervision quand cela lui apparaîtrait nécessaire et non par obligation. Cela lui a permis de développer une confiance en sa pratique, via une prise de distance et d’autonomie dans le choix de se faire superviser.

Sous-thème 2.3 : L’insatisfaction par rapport à la formation. Cinq thérapeutes ont rapporté ne pas être satisfaits des formations en psychothérapie qu’ils ont suivies. C’était d’autant plus saillant pour deux participant·e·s, allant jusqu’à dire qu’ils avaient détesté les formations en sciences psychologiques et en psychothérapie, critiquant la manière de donner cours à l’université, qu’ils décrivaient comme très théorique et passive, alors qu’ils étaient à la recherche d’aspects pratiques, ancrés dans l’expérience clinique.

« Je n’ai jamais été très scolaire au fond […] je ne voulais pas suivre une formation universitaire car je n’aurais pas été aux cours […]. Je cherchais une formation participative et non transfusée, quelque chose de théorico-clinique, basée sur l’expérience. » (T6)

Notons qu’un thérapeute était très satisfait de la formation suivie, la trouvant très riche tant au niveau expérientiel que théorique, bien que cela demandait un grand investissement. L’ensemble des thérapeutes sont d’accord sur le fait qu’une formation de qualité rassemble des aspects théoriques et expérientiels fondés sur la pratique clinique. Il a été précisé qu’un rapport égalitaire entre les formateurs et les personnes en formation permet de riches échanges.

Thème 3 : « Le développement personnel et professionnel et la motivation à exercer et à choisir cette profession »

Plusieurs éléments liés à la volonté de réaliser ces études et d’exercer cette profession ont émergés. Dans ce thème, les différents aspects qui motivent les thérapeutes à exercer ce métier furent évoqués, comme leur manière d’être ou leurs prédispositions personnelles. Les expériences personnelles ont influencé la plupart des thérapeutes à se former à la psychothérapie et à entretenir cette volonté de continuer l’exercice de cette profession, riche d’expériences. Un thérapeute disait que l’on bénéficie, tant au niveau personnel que professionnel, des expériences de chacun des client·e·s que l’on rencontre.

Sous-thème 3.1 : Les expériences personnelles. Les événements de vie du thérapeute créent un ensemble d’expériences chargées d’émotions et de pensées qui influencent la manière d’être en tant que personne et thérapeute. Le métier de thérapeute est un métier expérientiel, en lien avec le client·e. Un participant·e spécifie que se développer en tant que thérapeute demande un profond développement personnel. Cela démontre également la dimension expérientielle du métier de thérapeute.

« Les approches que j’ai testées sur moi sont celles qui ont eu le plus d’impacts sur moi en tant que personne et que j’utilise le plus dans la vie de tous les jours […]. La règle de base pour un thérapeute […], c’est que l’on doit essayer soi-même […], avoir une approche expérientielle. » (T7)

Cet exemple illustre que les thérapeutes utilisaient certaines manières de pratiquer la psychothérapie à la suite d’expériences personnelles concluantes et positives. Les thérapeutes ont tendance à utiliser des interventions qu’ils jugent efficaces.

Sous-thème 3.2 : La volonté de comprendre. Un thème qui a également émergé est la motivation à comprendre les processus sous-jacents qui génèrent de la souffrance. Deux participant·e·s ont précisé qu’ils avaient une volonté de comprendre afin d’aider et soigner les personnes en difficultés.

« Il y a la curiosité de comprendre la conflictualité interne qui crée la souffrance. » (T5)

Les participant·e·s ont abordé le fait que le métier de thérapeute demande un grand intérêt et de la fascination pour le fonctionnement psychologique et la créativité de l’être humain. Un participant disait qu’il était important de cultiver sa curiosité et d’approfondir différents aspects théoriques ou pratiques comme l’ouverture culturelle, par exemple. Deux thérapeutes ont rapporté des aspects de frustration et de patience face à une certaine impuissance dans le processus thérapeutique. Une participante a rapporté qu’il ne se passe souvent rien en séance, ce qui fait que la patience du thérapeute est précieuse. Un autre thérapeute a précisé que la curiosité pour l’être humain permet d’avoir plus de patience face aux client·e·s. Les aspects de frustration du thérapeute ont été abordés via le concept de congruence. Selon un participant, un thérapeute doit travailler avec des aspects et des client·e·s avec lesquels il se sent à l’aise afin de diminuer certaines frustrations liées à de l’incongruence. Par ailleurs, d’autres aspects de frustration peuvent être travaillés via l’apprentissage de la patience et la confiance dans le processus thérapeutique.

« Pour pratiquer la thérapie, il faut une patience d’ange et beaucoup de séances ne rapportent pas grand-chose, […] elles ne sont pas très excitantes pour le psy. Et le patient·e n’est pas là pour exciter le psy. Il faut beaucoup de patience et de confiance dans le processus thérapeutique » (T5)

Sous-thème 3.3 : Acceptation des limitations de la position thérapeutique. Ce troisième sous-thème est ressorti auprès de trois thérapeutes. Ils ont abordé l’égo du thérapeute. L’un a abordé ce sous-thème via un aspect de croyance de surpuissance qu’un thérapeute peut avoir ou ressentir. Il a abordé ce thème de manière générale, en disant qu’il était important que tout thérapeute travaille cela en supervision ou en thérapie personnelle. Certains participant·e·s parlaient du danger pour le thérapeute de se sentir tout-puissant car le suivi thérapeutique peut alimenter l’égo du thérapeute. Un thérapeute précisait qu’il est important de veiller à un positionnement de l’ego adéquat afin de bien écouter la personne.

« L’orgueil du thérapeute est important, le trop plein de fierté, vérifier que l’on est intelligent, devenir une référence, le besoin de créer une dépendance chez le patient·e. […] Tous ces éléments-là, on est d’accord qu’il faut les travailler et voir un superviseur […] ne pas se sentir le centre du monde. » (T1)

Un autre thérapeute a rapporté une tendance perfectionniste à remettre facilement en question ses interventions. D’un côté, ce thérapeute déclarait être rassuré par son référent théorique, car cela cadre sa manière de conceptualiser, d’intervenir et de rentrer en relation avec ses client·e·s. D’un autre, le référent théorique peut amener des difficultés comme une pratique idéalisée, une difficulté qu’il a vécue personnellement. Face à un idéal thérapeutique difficilement atteignable, ce thérapeute a travaillé ce côté perfectionniste en supervision afin d’accepter et de faire confiance à sa manière d’être thérapeute.

Sous-thème 3.4 : Attitude et questionnement éthique. Trois thérapeutes ont fait référence à des notions d’éthique et de déontologie. Notamment le fait qu’ils sont tenus de prester des interventions de qualité pour chacune des personnes qu’ils accompagnent. Plusieurs sources ont été nommées par ces thérapeutes comme : la littérature, les séances d’intervisions ou les formations. Ces thérapeutes disaient être à la recherche de conseils et de bonnes indications lors de situations délicates qui posent un questionnement éthique. Cet aspect était fort en lien avec le thème de relation à la théorie et le sous-thème de la supervision.

« Par rapport à la question de la violence sexuelle […] il faut se former ou se poser des questions, […] car il y a des éléments contre-transférentiels douloureux. » (T6)

Ces thérapeutes ont mis en évidence le fait de reconnaître ses limites en tant que thérapeute et de ne pas hésiter à rediriger les client·e·s. Deux thérapeutes ont abordé cela lors de la discussion d’aspects de « spécialisation ». Pour un thérapeute, il est important de faire ce que l’on fait de mieux, même si l’on s’ennuie à force de rencontrer les mêmes thématiques. Le fait de rencontrer le même type de client·e·s ou de souffrance permet une meilleure efficacité au niveau des soins apportés.

Discussion

Cette section a pour objectif de résumer les résultats de l’étude et leurs implications pour la pratique et les formations en psychothérapie. Les résultats ont permis de mettre en lumière trois thématiques générales. Premièrement, il a été mis en évidence que les thérapeutes font appel à la théorie pour les aider dans leur raisonnement clinique et la mise en place du cadre thérapeutique, interne ou externe. Des rencontres significatives avec des collègues, des thérapeutes ou des client·e·s ont favorisé des changements au niveau de leur orientation théorique. Ces sous-thèmes mettent en exergue que, bien que les thérapeutes s’ancrent dans une théorie clinique, ils se positionnent de manière plus au moins libre quant aux préceptes de celle-ci. Deuxièmement, les participant·e·s ont abordé la thématique de la formation continue en faisant référence plus particulièrement à la nécessité de faire de la thérapie personnelle et d’aller en supervision. L’échantillon a rapporté un certain mécontentement par rapport à la formation continue, critiquant la manière d’enseigner à l’université, la trouvant trop théorique et pas assez expérientielle. Troisièmement, les participant·e·s ont rapporté que les expériences personnelles et leur volonté de comprendre l’être humain sont ce qui les motivent dans l’exercice de cette profession. L’acceptation des limites de la position du thérapeute est ressortie des entretiens. Les thérapeutes ont parlé de vigilance quant à la position du thérapeute, car celle-ci peut générer des biais subjectifs, une impression de surpuissance et une envie d’être efficace. Les questionnements éthiques ont également été abordés afin d’intervenir auprès des client·e·s de la manière la plus adéquate possible. Ces données illustrent la complexité d’être un thérapeute au quotidien avec des aspects de développement personnel et de CPD. Ce métier apporte de nombreuses réflexions et ajustements à constamment réaliser en tant que thérapeute. Ces résultats montrent que les aspects personnels et professionnels sont intégrés et difficilement dissociables au sein de ce métier et que la personne-du-thérapeute est au centre de ce processus d’intégration. Ces résultats sont cohérents avec la littérature à ce sujet (Barkham et al., 2021; Orlinsky et al., 2011; Rønnestad et al., 2019; Safi et al., 2017).

Les données ont mis en évidence l’intérêt d’investiguer la richesse du développement personnel-professionnel des thérapeutes. Il n’y a actuellement pas de définition spécifique concernant le processus du développement personnel-professionnel (PPD) du thérapeute, bien qu’il soit nommé dans la littérature (Salter & Rhodes, 2018; Welp et al., 2018). Avec ce qui ressort des données, le PPD peut se définir provisoirement par une intégration des qualités professionnelles et du travail personnel requis pour aller à la rencontre du client·e, générant un processus de changement et permettant de faire face aux défis de la vie professionnelle. Ce concept s’inscrit dans la perspective intégrée qui met sur le même pied d’égalité les compétences professionnelles et le développement personnel du thérapeute. L’idée est que le processus de développement, intégrant ces deux facettes, permet d’être un facteur de protection face aux conséquences négatives des difficultés professionnelles.

D’après les données récoltées auprès de thérapeutes chevronnés formés à diverses approches thérapeutiques, il apparaît nécessaire que les formations en psychothérapie s’alignent à la perspective intégrée et incluent des objectifs d’apprentissage privilégiant un PPD centré sur la personne-du-thérapeute. En tenant compte de ce qui ressort des entretiens, il semble essentiel d’intégrer à la formation professionnelle théorique, des aspects expérientiels, réflexifs (supervision) et de développement personnel (travail personnel). Ces piliers amènent les thérapeutes à favoriser l’élaboration de compétences et d’attitudes pour aller à la rencontre du client·e et intervenir de manière adéquate (Ackerman & Hilsenroth, 2003; Gold & Hilsenroth, 2009; Zech, 2021).

Pour des recherches futures, il serait intéressant d’explorer si ces résultats se confirment auprès d’un plus grand échantillon, composé de thérapeutes ayant différents niveaux d’expérience clinique, afin d’avoir une meilleure représentativité. Cela permettrait également de vérifier si la trajectoire du développement personnel et professionnel se fait de manière intégrée dès le départ ou si elle s’acquière après une longue expérience clinique, comme cela est suggéré par les participant·e·s de cette étude.

Conclusion

Cette étude contribue à une meilleure compréhension du développement personnel et professionnel des thérapeutes. Ces résultats peuvent aider à améliorer la qualité des formations en psychothérapie. Avec ce qui ressort de cette étude, adopter une perspective intégrée au sein des formations en psychothérapie permet un développement des aspects professionnels et personnels liés au métier de thérapeute. Enfin, ces résultats mettent également en évidence que le parcours de développement personnel et professionnel est unique pour chaque thérapeute, et ce, quelle que soit leur orientation théorique.

Références

Ackerman, S. J. & Hilsenroth, M. J. (2003). A review of therapist characteristics and techniques positively impacting the therapeutic alliance. Clinical Psychology Review, 23(1), 1–33. https://doi.org/10.1016/S0272-7358(02)00146-0

Agha, S. (2022). Aligning continuing professional development (CPD) with quality assurance (QA) : A perspective of healthcare leadership. Quality & Quantity, 56(2), 447–461. https://doi.org/10.1007/s11135-021-01138-2

Antoine, P. & Smith, J. A. (2017). Saisir l’expérience : Présentation de l’analyse phénoménologique interprétative comme méthodologie qualitative en psychologie. Psychologie Française, 62(4), 373–385. https://doi.org/10.1016/j.psfr.2016.04.001

Arthur, A. R. (2001). Personality, epistemology and psychotherapists’ choice of theoretical model : A review and analysis. European Journal of Psychotherapy & Counselling, 4(1), 45–64. https://doi.org/10.1080/13642530110040082

Barkham, M., Lutz, W. & Castonguay, L. G. (2021). Bergin and Garfield’s handbook of psychotherapy and behavior change (A. E. Bergin & S. L. Garfield, Éds.; 7th edition, 50th anniversary edition). Wiley.

Barnett, M. (2007). What brings you here? An exploration of the unconscious motivations of those who choose to train and work as psychotherapists and counsellors. Psychodynamic Practice, 13(3), 257–274. https://doi.org/10.1080/14753630701455796

Bennett-Levy, J. (2006). Therapist Skills : A Cognitive Model of their Acquisition and Refinement. Behavioural and Cognitive Psychotherapy, 34(1), 57–78. https://doi.org/10.1017/S1352465805002420

Bennett-Levy, J., McManus, F., Westling, B. E. & Fennell, M. (2009). Acquiring and Refining CBT Skills and Competencies : Which Training Methods are Perceived to be Most Effective? Behavioural and Cognitive Psychotherapy, 37(5), 571–583. https://doi.org/10.1017/S1352465809990270

Bennett-Levy, J., Thwaites, R., Chaddock, A. & Davis, M. (2009). Reflective practice in cognitive behavioural therapy : The engine of lifelong learning. In Reflective Practice in Psychotherapy and Counselling (pp. 115–135). McGraw-Hill Education. http://rgdoi.net/10.13140/2.1.1111.9040

Bennett-Levy, J., Turner, F., Beaty, T., Smith, M., Paterson, B. & Farmer, S. (2001). The value of self-practice of cognitive therapy techniques and self-reflection in the training of cognitive therapists. Behavioural and Cognitive Psychotherapy, 29(2), 203–220. https://doi.org/10.1017/S1352465801002077

Braun, V. & Clarke, V. (2006). Using thematic analysis in psychology. Qualitative Research in Psychology, 3(2), 77–101. https://doi.org/10.1191/1478088706qp063oa

Clarke, V. & Braun, V. (2017). Thematic analysis. The Journal of Positive Psychology, 12(3), 297–298. https://doi.org/10.1080/17439760.2016.1262613

Collin, K., Van der Heijden, B. & Lewis, P. (2012). Continuing professional development. International Journal of Training and Development, 16(3), 155–163. https://doi.org/10.1111/j.1468-2419.2012.00410.x

Deurzen, E. V. (2001). Psychotherapy training in Europe : Similarities and differences. European Journal of Psychotherapy & Counselling, 4(3), 357–371. https://doi.org/10.1080/13642530210126275

El-Hage, W., Hingray, C., Lemogne, C., Yrondi, A., Brunault, P., Bienvenu, T., Etain, B., Paquet, C., Gohier, B., Bennabi, D., Birmes, P., Sauvaget, A., Fakra, E., Prieto, N., Bulteau, S., Vidailhet, P., Camus, V., Leboyer, M., Krebs, M.-O. & Aouizerate, B. (2020). Les professionnels de santé face à la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19) : Quels risques pour leur santé mentale ? L’Encéphale, 46(3), S73–S80. https://doi.org/10.1016/j.encep.2020.04.008

Elliott, R., Greenberg, L. S., Watson, J., Timulak, L. & Freire, E. (2013). Research on Humanistic- Experiential Psychotherapies. In Handbook of Psychotherapy and Behavior Change (pp. 495–538). John Wiley & Sons Inc.

Elman, N. S., Illfelder-Kaye, J. & Robiner, W. N. (2005). Professional Development : Training for Professionalism as a Foundation for Competent Practice in Psychology. Professional Psychology : Research and Practice, 36(4), 367–375. https://doi.org/10.1037/0735-7028.36.4.367

Emery, S., Wade, T. D. & McLean, S. (2009). Associations Among Therapist Beliefs, Personal Resources and Burnout in Clinical Psychologists. Behaviour Change, 26(2), 83–96. https://doi.org/10.1375/bech.26.2.83

EPA (2017). A European Certificate of Psychotherapy Document to provide Guidelines for the Procedure and Criteria of Training and Qualifications—Version 7 voted at the Annual General Meeting of the European Association for Psychotherapy in Vienna.

Etikan, I., Musa, S. A. & Alkassim, R. S. (2016). Comparison of Convenience Sampling and Purposive Sampling. American Journal of Theoretical and Applied Statistics, 5(1), 1. https://doi.org/10.11648/j.ajtas.20160501.11

Gold, S. H. & Hilsenroth, M. J. (2009). Effects of graduate clinicians’ personal therapy on therapeutic alliance. Clinical Psychology & Psychotherapy, 16(3), 159–171. https://doi.org/10.1002/cpp.612

HCPC (2019). Benefits of Becoming a Reflective Practitioner : Joint Statement. Health & Care Professions Council (HCPC). https://www.hcpc-uk.org/globalassets/news-and-events/benefits-of-becoming-a-reflective-practitioner----joint-statement-2019.pdf

Jaotombo, F. (2009). Vers une définition du développement personnel. Humanisme et Entreprise, 294(4), 29. https://doi.org/10.3917/hume.294.0029

Jennings, L., Goh, M., Skovholt, T. M., Hanson, M. & Banerjee-Stevens, D. (2003). Multiple Factors in the Development of the Expert Counselor and Therapist. Journal of Career Development, 30(1), 59–72. https://doi.org/10.1177/089484530303000104

Kazdin, A. E. (Éd.). (2000). Encyclopedia of psychology. American Psychological Association ; Oxford UP.

Kuenzli-Monard, F. (2006). Comment inviter la réflexivité en thérapie : La pensée pratique du psychothérapeute. Thérapie Familiale, 27(2), Art. 2. https://doi.org/10.3917/tf.062.0181

Larivée, S., Sénéchal, C. & St-Onge, Z. (2018). Confirmation bias in the clinical setting. Enfance, 4, 575–592. https://doi.org/10.3917/enf2.184.0575

Larsen, D. & Stamm, B. H. (2012). Professional Quality of Life and Trauma Therapists. In S. Joseph & P. A. Linley (Éds.), Trauma, Recovery, and Growth (pp. 275–293). John Wiley & Sons, Inc. https://doi.org/10.1002/9781118269718.ch14

Levitt, H. M. (2018). How to conduct a qualitative meta-analysis : Tailoring methods to enhance methodological integrity. Psychotherapy Research, 28(3), 367–378. https://doi.org/10.1080/10503307.2018.1447708

Lietaer, G. & Zech, E. (2021). L’Authenticité du thérapeute : Congruence et transparence. In Psychothérapie centrée sur la personne et expérientielle : Fondements et développements contemporains (pp. 99–118). De Boeck Supérieur.

Lilienfeld, S. O. & Basterfield, C. (2020). Reflective practice in clinical psychology : Reflections from basic psychological science. Clinical Psychology : Science and Practice, 27(4), Art. 4. https://doi.org/10.1111/cpsp.12352

McBeath, A. (2019). The motivations of psychotherapists: An in-depth survey. Counselling and Psychotherapy Research, 19(4), 377–387. https://doi.org/10.1002/capr.12225

Mearns, D. (1997). Person-centred counselling training. Sage.

Morais, S. (2013). Le chemin de la phénoménologie : Une méthode vécue comme une expérience de chercheur. 15, 497–511.

Moreno, C., Wykes, T., Galderisi, S., Nordentoft, M., Crossley, N., Jones, N., Cannon, M., Correll, C. U., Byrne, L., Carr, S., Chen, E. Y. H., Gorwood, P., Johnson, S., Kärkkäinen, H., Krystal, J. H., Lee, J., Lieberman, J., López-Jaramillo, C., Männikkö, M., … Arango, C. (2020). How mental health care should change as a consequence of the COVID-19 pandemic. The Lancet. Psychiatry, 7(9), 813–824. https://doi.org/10.1016/S2215-0366(2030307-2)

Norcross, J. C., VandenBos, G. R., Freedheim, D. K. & American Psychological Association (Éds.). (2011). History of psychotherapy : Continuity and change. 2nd ed. APA.

Orlinsky, D., Schofield, M. J., Schroder, T. & Kazantzis, N. (2011). Utilization of personal therapy by psychotherapists : A practice-friendly review and a new study. Journal of Clinical Psychology, 67(8), Art. 8. https://doi.org/10.1002/jclp.20821

Plchová, R., Hytych, R., Řiháček, T., Roubal, J. & Vybíral, Z. (2016). How do trainees choose their first psychotherapy training? The case of training in psychotherapy integration. British Journal of Guidance & Counselling, 44(5), 487–503. https://doi.org/10.1080/03069885.2016.1213371

Regas, S. J., Kostick, K. M., Bakaly, J. W. & Doonan, R. L. (2017). Including the self-of-the-therapist in clinical training. Couple and Family Psychology : Research and Practice, 6(1), 18–31. https://doi.org/10.1037/cfp0000073

Restivo, L., Julian-Reynier, C. & Apostolidis, T. (2018). Pratiquer l’analyse interprétative phénoménologique : Intérêts et illustration dans le cadre de l’enquête psychosociale par entretiens de recherche. Pratiques Psychologiques, 24(4), 427–449. https://doi.org/10.1016/j.prps.2017.12.001

Rief, W. (2021). Moving from tradition-based to competence-based psychotherapy. Evidence Based Mental Health, 24(3), 115–120. https://doi.org/10.1136/ebmental-2020-300219

Rogers, C. R. (1965). The concept of the Fully Functioning Person. Pastoral Psychology, 16(3), 21–33.

Rogers, C. R. (1975). Empathic : An Unappreciated Way of Being. The Counseling Psychologist, 5(2), Art. 2. https://doi.org/10.1177/001100007500500202

Rohr, D. (2021). Counselling in Europe : Training, Standards, Research, « Culture » & information about 39 countries. Carl-Auer.

Rønnestad, M. H., Orlinsky, D. E., Schröder, T. A., Skovholt, T. M. & Willutzki, U. (2019). The professional development of counsellors and psychotherapists : Implications of empirical studies for supervision, training and practice. Counselling and Psychotherapy Research, 19(3), Art. 3. https://doi.org/10.1002/capr.12198

Rønnestad, M. H. & Skovholt, T. M. (2003). The Journey of the Counselor and Therapist : Research Findings and Perspectives on Professional Development. Journal of Career Development, 30(1), Art. 1. https://doi.org/10.1177/089484530303000102

Safi, A., Bents, H., Dinger, U., Ehrenthal, J. C., Ackel-Eisnach, K., Herzog, W., Schauenburg, H. & Nikendei, C. (2017). Psychotherapy training : A comparative qualitative study on motivational factors and personal background of psychodynamic and cognitive behavioural psychotherapy candidates. Journal of Psychotherapy Integration, 27(2), 186–200. https://doi.org/10.1037/int0000031

Salter, M. & Rhodes, P. (2018). On Becoming a Therapist : A Narrative Inquiry of Personal–Professional Development and the Training of Clinical Psychologists. Australian Psychologist, 53(6), 486–492. https://doi.org/10.1111/ap.12344

Schön, D. A. (1983). The reflective practitioner : How professionals think in action. Basic Books.

Schulthess, P. (2021). Document de synthèse de l’EAP relatif à la recherche en psychothérapie : à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung, 7(1), 57–58. https://doi.org/10.30820/2504-5199-2021-1-57

Schwartz, R. A. & Bryan, W. A. (1998). What Is Professional Development? New Directions for Student Services, 1998(84), 3–13. https://doi.org/10.1002/ss.8401

Skovholt, T. M. & Rønnestad, M. H. (2003). Struggles of the Novice Counselor and Therapist. Journal of Career Development, 30(1), 45–58. https://doi.org/10.1177/089484530303000103

Stedmon, J. & Dallos, R. (2009). Reflective practice in psychotherapy and counselling. McGraw-Hill Internat. (UK) Ltd.

Unger, J.-P. (2018). Le burnout des médecins (et celui des psychologues, infirmiers, magistrats, chercheurs et enseignants) : Pour un programme de contrôle de l’endémo-épidémie. Cahiers de psychologie clinique, 51(2), Art. 2. https://doi.org/10.3917/cpc.051.0169

Van Broeck, N. & Lietaer, G. (2008). Psychology and Psychotherapy in Health Care : A Review of Legal Regulations in 17 European Countries. European Psychologist, 13(1), 53–63. https://doi.org/10.1027/1016-9040.13.1.53

Welp, A., Johnson, A., Nguyen, H. & Perry, L. (2018). The importance of reflecting on practice : How personal professional development activities affect perceived teamwork and performance. Journal of Clinical Nursing, 27(21–22), 3988–3999. https://doi.org/10.1111/jocn.14519

Zech, E. (2021). Se former aux PCPE. In E. Zech, G. Demaret, J. M. Priels & C. Demaret-Wauters, Psychothérapie centrée sur la personne et expérientielle : Fondements et développements contemporains (pp. 357–390). De Boeck Supérieur.

Zech, E., Demaret, G., Priels, J.-M. & Demaret-Wauters, C. (2021). Psychothérapie centrée sur la personne et expérientielle : Fondements et développpements contemporains. De Boeck Supérieur.

What are the personal and professional development trajectories of experienced therapists?

Exploring their experiences

Abstract: The aim of this study was to explore and obtain a better understanding of therapists’ personal and professional development and their training needs. Seven experienced therapists from different orientations were interviewed. The questions addressed focused on the significant events that had had an impact on their professional development and their perceptions of the profession and themselves. A thematic analysis of their interviews revealed several themes relating to their development as therapists: (1) personal and professional development and its fluctuating relationship to theory, (2) personal and professional development requires continuing education, and (3) personal and professional development and motivation to practice and choose this profession. The results of this study highlight the need to recognize and value personal development as an integral part of psychotherapists’ professional development.

Keywords: qualitative research, therapist, personal and professional development, significant events

Quali sono i percorsi di sviluppo personale e professionale dei terapeuti esperti?

Esplorare le loro esperienze

Riassunto: L’obiettivo di questo studio è stato quello di esplorare e comprendere meglio lo sviluppo personale e professionale dei terapeuti e i loro bisogni formativi. Sono stati intervistati sette terapeuti esperti di diversi orientamenti. Le domande poste si sono concentrate sugli eventi significativi che hanno avuto un impatto sul loro sviluppo professionale e sulla loro percezione della professione e di se stessi. L’analisi tematica delle interviste ha rivelato diversi temi relativi al loro sviluppo come terapeuti: (1) lo sviluppo personale e professionale e il suo rapporto fluttuante con la teoria, (2) lo sviluppo personale e professionale richiede una formazione continua e (3) lo sviluppo personale e professionale e la motivazione a praticare e scegliere questa professione. I risultati di questo studio evidenziano la necessità di riconoscere e valorizzare lo sviluppo personale come parte integrante dello sviluppo professionale degli psicoterapeuti.

Parole chiave: ricerca qualitativa, terapeuta, sviluppo personale e professionale, eventi significativi

Les auteur·e·s

Hubert de Condé est psychologue clinicien-psychothérapeute, chargé d’enseignement et doctorant à l’Institut de recherche en sciences psychologiques (IPSY) de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain). Titulaire d’un Master en psychologie clinique et d’un Certificat en psychothérapie intégrée, il suit actuellement une formation de psychothérapeute centré sur la personne. Depuis 2020, il consulte également en tant que thérapeute indépendant à Bruxelles et à Louvain-la-Neuve.

Jochem Willemsen, coordinateur du groupe de recherche, est professeur de psychologie clinique à l’UCLouvain et psychothérapeute psychanalytique en pratique privée. En 2019, il a rejoint l’UCLouvain pour enseigner la psychologie clinique de l’adulte et la psychologie criminelle. Il est l’un des membres fondateurs de la Single Case Archive, une vaste archive en ligne d’études de cas de psychothérapie publiées. Avant sa nomination à l’UCLouvain, il était chargé de cours à l’Université d’Essex où il a développé un portefeuille d’enseignement et de recherche dans le domaine de la psychanalyse, de la psychothérapie et de la psychologie clinique. Durant cette période, il a participé à la mise en place du nouveau département d’études psychosociales et psychanalytiques (2017). Pendant plusieurs années, il a assumé le rôle de directeur de la recherche dans ce département.

Emmanuelle Zech, membre du groupe de recherche, est professeure ordinaire de psychologie clinique et de psychothérapie, et doyenne de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation à l’UCLouvain. En 2004, elle a été nommée sur un poste de psychologue de l’adversité. Elle a présidé le Centre de recherche pour l’étude de la santé et du développement psychologique (2008–2014). Elle a développé une ligne de cours et de formation en counseling et thérapie centrés sur la personne et l’expérience (PCPE) au niveau du premier, du deuxième et du troisième cycle. Elle coordonne le laboratoire de recherche et de formation centré sur la personne (PCLab), a soutenu la création d’une plateforme d’apprentissage en ligne des compétences d’aide et du laboratoire de compétences relationnelles IPSY/PSP.

Contact

hubert.deconde@uclouvain.be
jochem.willemsen@uclouvain.be
emmanuelle.zech@uclouvain.be