Mara Foppoli & Milena Pacciorini
Psychotherapie-Wissenschaft 13 (1) 2023 43–44
www.psychotherapie-wissenschaft.info
https://doi.org/10.30820/1664-9583-2023-1-43
Mots clés : chat entre pairs, chat, conseil en ligne, pair, conseil entre pairs
Cet article se propose de rapporter et d’évaluer l’expérience de chat par les pairs (peer chat) menée depuis 2019 en Suisse italienne et toujours en cours. Il s’agit d’un service qui s’inscrit dans un contexte plus large de prévention primaire et qui vise à offrir un terrain de confrontation aux jeunes dans le cadre d’un conseil écrit par des jeunes. Et c’est précisément l’attention portée aux jeunes, à leur demande et à leur possibilité d’obtenir de l’aide qui montre qu’il n’est pas si facile d’obtenir une compréhension des problèmes personnels de la part du monde adulte, de la famille, qui n’a pas toujours une attitude d’ouverture, d’écoute et de compréhension des problèmes existentiels et de santé mentale. Nous avons probablement des visions différentes sur ces questions, qui viennent du fait que nous appartenons à des générations différentes. Ainsi, si d’un côté nous avons les jeunes de la génération Zeta qui se rendent compte que quelque chose ne va pas chez eux et partent à la recherche d’un diagnostic, en se fiant malheureusement uniquement aux informations trouvées sur le net, de l’autre côté il y a aussi peut-être une attitude de certains parents à nier le malaise et une minimisation de celui-ci qui empêche une intervention précoce par des psychothérapeutes par exemple.
Lors du dernier congrès IC 2022 de l’International Child Helpline qui s’est tenu à Stockholm, la conviction générale était que pour un jeune, avoir accès à une psychothérapie est encore un chemin semé d’obstacles économiques mais aussi de stigmatisation de la santé mentale. Comme pour nier l’existence du problème et comme si le fait d’être très jeune ne permettait pas de le comprendre.
Afin de pouvoir procéder à cette première évaluation, deux points de vue ont été pris en considération : celui des utilisateurs du service de chat entre pairs et celui des caractéristiques des pairs, c’est-à-dire des personnes qui gèrent le service. Cela devrait permettre de comprendre d’une part l’impact de ce service sur le bien-être des jeunes et d’autre part quelles dimensions liées aux compétences de vie sont les plus mises en avant dans ce type de conseil où il existe une relation symétrique et étroite entre les pairs et le chat.
Afin de mieux décrire le service de chat entre pairs, nous souhaitons fournir quelques données. En particulier : 6.466 chats ont été gérés en 2022, avec une moyenne mensuelle d’environ 530 chats par mois. La majorité des utilisateurs du service sont des filles (65 %), des garçons (31 %) et des non-binaires (environ 4 %). Certains thèmes ont émergé. Les problèmes personnels représentent jusqu’à 30 % des sujets abordés. Nous estimons utile de souligner que pas moins de 24 % des chats traitent de sujets sensibles tels que les troubles de l’humeur, l’automutilation, les pensées suicidaires, la violence. Souvent les personnes ne sont pas conscientes de la persistance ou de la fréquence de ces pensées ou fantasmes et cela confirme que la conscience de la nécessité d’une intervention d’un professionnel tel qu’un psychothérapeute n’est pas toujours perçue et donc que l’accessibilité aux moyens psychothérapeutiques n’est pas dans l’esprit de ceux qui souffrent de problèmes personnels depuis un certain temps. En cela, le service de chat entre pairs peut contribuer à faire prendre conscience de la durée et de la nécessité d’un tel besoin et à susciter une prise de conscience et une recherche d’aide en conséquence.
À l’issue d’une consultation par chat, un questionnaire a été soumis à 40 personnes pour connaître leur degré de satisfaction. Parmi ceux-ci, 20 ont répondu par une évaluation très positive. Les jeunes ont notamment noté qu’ils se sentaient pris au sérieux, écoutés et qu’ils percevaient une amélioration. 100 % pensent qu’ils utiliseront toujours le chat entre pairs.
Vous trouverez ci-dessous les données d’évaluation des compétences de vie des 14 « peer chats » qui, avec les 8 « peer coaches », gèrent le service. Ils sont composés de 71 % de filles et de 29 % de garçons. L’âge moyen est de 20,2 ans. En ce qui concerne les 10 dimensions de l’évaluation, nous avons une prévalence du domaine émotionnel avec la dimension relative à la conscience de soi à 4,5 sur 5. La dimension qui suit immédiatement est celle de la résolution de problèmes à 4,3, appartenant au domaine cognitif. Ensuite, nous avons la dimension relative à l’empathie à 4,2 qui appartient au domaine émotionnel de l’instrument. Nous pensons que ces données peuvent être intéressantes et cohérentes avec les critères de sélection du chat des pairs, car elles requièrent d’avoir développé une résilience à travers des événements de la vie et au cours de psychothérapie terminées ou en cours. Cela a peut-être permis de développer les dimensions mentionnées ici et qu’elles jouent un rôle pertinent dans le conseil par chat avec les pairs.
Nous sommes conscientes que les résultats qui ont émergé peuvent représenter une étude préliminaire partielle, mais nous croyons qu’ils peuvent nous donner des éléments utiles sur le bien-être des jeunes et la nécessité de développer sur le terrain des services numériques qui utilisent les expériences, le langage, la culture des jeunes partagés par des pairs. En effet, lors du passage de l’enfance à l’adolescence, le groupe de pairs assume de plus en plus un rôle crédible et central en tant que point de référence en dehors de la famille. Ainsi, la résilience des pairs présents dans les salons de discussion, l’expérience des pairs coachs, peuvent aider les jeunes à mieux comprendre ce qu’ils ressentent et à avoir une plus grande conscience des problèmes qu’ils rencontrent et qui peuvent mettre en péril leur santé mais aussi leur santé mentale. Une telle présence permet également d’obtenir plus rapidement l’aide d’un psychothérapeute, favorisant ainsi une intervention précoce.
Le nombre de chats arrivant au service de chat entre pairs et les sujets abordés nous font dire que les jeunes sont sensibles à ce qu’ils vivent et ont un besoin de confrontation avec leurs pairs même sur des sujets sensibles et importants. Ce type de service peut donc abaisser le seuil et le temps nécessaires à une première confrontation sans jugement. Le langage des chats est souvent direct et sans détour. Un autre effet du nombre élevé de chats reçus est qu’il renforce l’espoir qu’il existe une solution à leurs problèmes, ce qui permet aux jeunes de ne pas glisser dans un sentiment de résignation dépressive dans lequel tous les efforts pour s’améliorer ou améliorer les situations dans lesquelles ils sont impliqués s’avèrent vains. En outre, ce service leur permet de sortir de leur propre isolement, qui éloigne la personne d’un contact positif avec elle-même.
En ce qui concerne le rôle de pair, les résultats montrent que des expériences de vie personnelles fortes, qui sont à la base de la sélection pour devenir pair, ainsi que le propre parcours psychothérapeutique et la formation pour le rôle lui-même, sont des éléments cruciaux nécessaires pour être capable de jouer le rôle de pair. En fait, on est confronté à un haut niveau de résilience personnelle qui peut être mis à la disposition des personnes avec lesquelles on discute. Un autre élément important est le fait que les deux tours de table hebdomadaires se déroulent en groupe, ainsi qu’en présence des pairs coachs. Cela favorise un échange continu entre pairs qui aide à développer la conscience de soi, la résolution de problèmes et l’empathie, dimensions qui se sont avérées très élevées dans l’évaluation des compétences de vie.
Les Autrices
Mara Foppoli est psychologue, psychothérapeute ASP, Gestalt, EMDR, responsable de site pour la consultation suisse italienne de Pro Juventute.
Milena Pacciorini est philosophe, consultante en philosophie et neurosciences, PNL et PNQ, présidente et coach de Young4HelpChat Suisse.
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