La psychothérapie en temps de disruption

Ou : la psychothérapie chassée du paradis ?

Ulrich Sollmann

Psychotherapie-Wissenschaft 12 (2) 2022 77–78

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CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/1664-9583-2022-2-77

Mots clés : psychothérapie, disruption, désillusion, le tiers imaginé dans la salle de thérapie, vision humaniste de l’homme, Poutine

Le monde, tout comme la psychothérapie, est confronté à une complexité de disruptions en rapide évolution. La pandémie du Covid-19 ainsi que la guerre en Ukraine ont ébranlé le monde jusque dans ses plus profonds fondements, tout comme les effets extrêmes de la crise climatique et de l’inflation mondiale. Les politiciens parlent entretemps d’un changement d’époque qui va tenir le monde en haleine pendant des années. « La disruption [agit] comme un nuage de sueur froide […] : il n’y a plus de certitudes ! Tous les […m]odèles actuels sont voués à la disparition ! » (Horx, 2022). La disruption ne fait dans ce cadre pas seulement référence aux technologies, mais aussi aux façons de penser, aux processus, aux systèmes, à la formation, à la santé etc. La disruption conduit également à une désillusion radicale globale. « [D]e moins en moins de choses semblent pérennes. À l’inverse, de plus en plus de choses semblent douteuses. » (Hüther, 2022). Ce que beaucoup de personnes, venues avant tout du monde économique et politique, tenaient pour des vérités inébranlables, ne fonctionne plus. La conviction néolibérale/postmoderne du toujours plus, toujours plus loin, toujours plus haut, toujours mieux, se heurte aux frontières du possible. La disruption, d’un point de vue global, tend le miroir à l’humanité. Ce qui était jusqu’à présent une conviction de fond inébranlable, fait place à de profonds doutes identitaires, un manque de repères et un sentiment d’impuissance.

La psychothérapie est elle-même confrontée depuis de nombreuses années à des disruptions décisives. Cette expérience a souvent conduit à une désillusion. L’expérience (ainsi que le traitement) de la disruption apparaît dans la salle de thérapie comme un tiers étranger imaginé qui, sans en avoir demandé l’autorisation, peut se mettre à vivre sa propre vie. Que ce soit la caisse d’assurance maladie, la guerre en Ukraine, la loi sur les psychothérapeutes, la pandémie etc. Citons certaines expériences centrales de disruption dans le champ psychothérapeutique :

La psychothérapie fait bien de s’ouvrir aux évolutions de la société. La psychothérapie s’ancre concrètement, mais aussi de façon paradigmatique, dans l’interaction entre l’expérience thérapeutique et l’expérience réelle. Cela permet aussi à la psychothérapie d’acquérir une nouvelle évidence de soi par rapport aux valeurs humanistes qui lui sont sous-jacentes. On a montré à l’aide d’un exemple qu’il est absolument sensé de refaçonner cet équilibre de la relation entre la thérapie et la réalité, à chaque fois en fonction des conditions réelles.

Nous avons également décrit comment éclairer les événements sociaux et politiques du point de vue de la psychothérapie. Celle-ci peut émettre des assertions pertinentes pour la société, qui peuvent à leur tour devenir une base pour l’action sociale et politique. L’analyse psychohistorique et psychobiographique de Vladimir Poutine a été évoquée à cet égard.

L’auteur

Ulrich Sollmann, Dipl. rer. soc., est psychothérapeute du corps (analyse bioénergétique, psychothérapie Gestalt), membre de la Deutsch-Chinesische Akademie für Psychotherapie (DCAP), conseiller et coach en économie et politique, publiciste et blogueur. Il travaille en cabinet indépendant à Bochum ainsi qu’entre autres régulièrement en Chine. Avec des interventions et des apprentissages, il est entre autres professeur invité à la Shanghai University of Political, Science and Law ainsi que maître de conférences sénior à la Maltepe University à Istanbul.

Contact

sollmann@sollmann-online.de