Comment les aider et comment aider ceux qui les aident
Lucia Formenti
Psychotherapie-Wissenschaft 12 (2) 2022 67–68
www.psychotherapie-wissenschaft.info
https://doi.org/10.30820/1664-9583-2022-2-67
Mots clés : EMDR, traumatisme, urgence, réfugiés, traumatisme vicariant, résilience, interventions de premiers secours
La période historique complexe que nous vivons, avec le conflit qui fait rage entre la Russie et l’Ukraine, peut nous faire éprouver une forte incertitude, un sentiment d’impuissance face à des événements menaçants et imprévisibles, ainsi qu’une perte d’espoir dans l’avenir. Ces événements stressants et continus nécessitent des réponses pour prévenir et promouvoir la santé émotionnelle de toutes les victimes. Dans ce contexte, l’EMDR apparaît comme la thérapie optimale pour le traitement et le remaniement des expériences traumatisantes vécues à la fois par les réfugiés et ceux qui s’occupent d’eux.
Selon Mitchell (& Black 1996), « un événement est défini comme traumatique lorsqu’il est soudain, inattendu et est perçu par la personne concernée comme une menace pour sa survie, suscitant chez elle un sentiment de peur intense, d’impuissance, de perte de contrôle, d’anéantissement. » Le traumatisme viole les hypothèses sur la façon dont le monde fonctionne et implique des pertes physiques mais aussi émotionnelles, avec des réactions de deuil qui en découlent.
Dans la littérature, un large éventail d’études montrent comment une expérience traumatisante peut entraîner des difficultés psychologiques importantes chez un grand nombre de personnes (McFarlane, 2010). Un traitement ponctuel spécifique visant à venir en aide aux victimes de traumatismes est donc indispensable, notamment dans le cas d’événements traumatiques causés par l’homme qui impliquent des communautés et des populations entières, comme la guerre en Ukraine que nous vivons en cette période, avec des millions de réfugiés contraints de quitter leur domicile.
La santé mentale des réfugiés est généralement reconnue comme étant affectée à la fois par des facteurs de stress post-traumatiques et actuels (par exemple, Miller & Rasmussen, 2010). Les réfugiés courent un risque élevé de vivre des événements traumatiques avant, pendant et après leur fuite (Silove et al., 1991). En plus de tous ces facteurs de stress post-traumatiques, les facteurs de stress actuels, tant dans le pays d’accueil que dans le pays d’origine, affectent la santé mentale des adultes et des enfants (Fazel et al., 2012 ; Steel et al., 2009). Une telle accumulation de facteurs de stress rend non seulement les réfugiés plus à risque de développer des problèmes de santé mentale que la population générale (Bronstein et Montgomery, 2011 ; Fazel et al., 2005), mais peut également compliquer leur réhabilitation psychosociale.
Un traitement rapide des traumatismes est donc essentiel. C’est là qu’entre en jeu la thérapie de désensibilisation et de retraitement des mouvements oculaires (EMDR). Selon la recherche et les directives internationales, la thérapie EMDR peut apporter une grande contribution aux réfugiés dans la prévention des troubles mentaux, la résolution des facteurs de risque et la facilitation de l’intégration et de l’adaptation à une nouvelle culture, en utilisant et en transformant de manière constructive l’expérience difficile à laquelle cette population est exposée. Les interventions EMDR sont courtes, efficaces et axées sur le stress et le traumatisme. Il existe un corpus de recherche émergente soutenant l’utilisation de l’EMDR et de protocoles EMDR modifiés pour le traitement des traumatismes aigus dans des formats individuels et de groupe. Ceux-ci offrent une aide psychologique et psychosociale à tous les stades du traumatisme : au premier stade de la crise humanitaire, après quelques semaines et quelques mois, et même quelques années plus tard si la population n’a pas été atteinte plus tôt. Les objectifs du traitement vont de la réduction des réactions d’éveil, en passant par la prévention de l’accumulation de stress post-traumatique, à la réduction des facteurs de risque de troubles mentaux et émotionnels et à l’amélioration des ressources et des facteurs de protection.
Dans ce type d’urgence, où la demande d’assistance est constante et tend à augmenter de plus en plus, il ne faut pas oublier une autre catégorie de victimes : celle des secouristes, qui sont au contact quotidien de souffrances aiguës. S’ils ont tendance à développer un seuil de tolérance assez élevé vis-à-vis des événements traumatiques, ils sont néanmoins sujets à des troubles psychopathologiques à court ou long terme provoqués par des traumatismes vicariants. Le stress lié au sauvetage passe par les étapes du syndrome général d’adaptation (SGA) découvert par Selye (1936). On passe du stress positif normal au stress négatif, c’est-à-dire, on passe d’un comportement adaptatif orienté vers la survie qui met en alerte tout l’organisme, dans lequel la personne évalue le danger, contrôle ses émotions et son agressivité et fait de la bonne manière les gestes appris visant à une action efficace, à une étape où la prolongation de l’état d’alarme due à la continuité du danger accable l’intervenant. Dans tous ces cas, la thérapie EMDR peut apporter un soutien valable en intervenant de manière ciblée et efficace. La richesse des différents protocoles EMDR permet de fournir les premiers secours dans les différentes phases de l’urgence. L’EMDR peut faire beaucoup, tant par le réexamen des expériences stressantes que par la mise en place de ressources. Dans le premier cas, ce qui est constaté lors d’une séance d’EMDR, c’est un changement dans la structure cognitive de la personne, dans son comportement, dans ses émotions et ses sentiments et, par conséquent, dans la perception de sa propre valeur personnelle et dans le niveau d’estime de soi. En revanche, lorsque des ressources sont mises en place, on travaille sur des réseaux positifs en renforçant les aptitudes et compétences internes, à la fois relationnelles et symboliques, que le secouriste possède déjà.
L’auteur
Lucia Formenti est psychologue, psychothérapeute, conseillère EMDR, experte pour la psychologie de cas d’urgence et la gestion des catastrophes. Elle est formée en CISM & Debriefing et a été de 2015 à 2021 la représentante d’EMDR Europe dans le comité permanent pour les crises, la psychologie des catastrophes et des traumatismes de l’EFPA (European Federation of Psychological Associations) et dans la Victim Support Europe Organisation. Elle est membre de l’EU Center of Expertise for Victims of terrorism.
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