Violence au sein des groupes d’adolescents

Réflexions sur la violence dans les relations chez les adolescents par temps de pandémie

Lucia Beltramini

Psychotherapie-Wissenschaft 12 (1) 2022 99–100

www.psychotherapie-wissenschaft.info

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/1664-9583-2022-1-99

Mots clés : violence, adolescents, couple, pandémie, santé, psychothérapeute

La pandémie de Covid 19 a représenté une urgence sanitaire et sociale d’une ampleur inimaginable : près de deux ans après l’identification des premiers cas, son impact sur le bien-être physique, psychologique, économique et social des individus et de la société est évident. De plus, dans la crise sanitaire actuelle, les problèmes déjà existants dans la période pré-pandémique semblent s’être aggravés ; parmi ceux-ci, la violence sexiste à l’égard des femmes et des jeunes filles.

Les violences genrées représentent, dans le monde, une violation grave des droits de l’homme et un problème majeur de santé publique, touchant au moins une jeune fille/femme sur trois au cours de leur vie (OMS, 2021). Bien que des enquêtes de population soient en cours pour estimer dans quelle mesure la pandémie a impacté les niveaux de violence, l’urgence sanitaire a entraîné une augmentation notable des demandes d’aide adressées par des femmes et des jeunes filles aux services de soutien et de protection (ONU FEMMES, 2020). Cela semble également le cas pour la forme de violence la plus répandue, c’est-à-dire celle exercée par un partenaire ou un ex.

Quand on pense aux violences conjugales on imagine volontiers des couples adultes, mariés ou en concubinage. En réalité, des violences similaires peuvent se produire entre jeunes et très jeunes qui découvrent souvent pour la première fois les relations de couple. L’expression anglaise « teen dating violence » décrit précisément les comportements de contrôle et de violence psychologique, physique et sexuelle que l’on peut retrouver entre garçons/filles qui se fréquentent, sortent ensemble ou qui forment un couple. Les données chiffrées montrent que dans au moins un couple d’adolescents sur dix, les jeunes filles ont déjà vécu de telles expériences, exercées par leur partenaire ou leur ex, soit personnellement soit via des actions en ligne (Beltramini, 2020). Au cours des périodes de confinement en lien avec l’urgence sanitaire du Covid 19, ce deuxième type de violence, appelée cyber violence dans les couples, semble avoir connu une plus grande ampleur (Ragavan et al., 2020).

Bien que la violence ne soit pas toujours reconnue comme telle, les comportements de contrôle peuvent être confondus avec des marques d’inquiétude et d’amour ; la violence physique peut être minimisée ; les pressions sexuelles niées. Subir des violences peut avoir des conséquences importantes sur la santé des adolescents, augmentant le risque de connaître de nombreux problèmes physiques, psychologiques et sexuels, tels que troubles de l’alimentation, symptômes de crises de panique, pensées suicidaires, symptômes dépressifs, difficultés scolaires, anxiété, troubles de stress post-traumatique, toxicomanie ou alcoolisme, tentative de suicide, grossesse non désirée ; maladies sexuellement transmissibles. Bien qu’ils subissent moins de teen dating violence, la tendance est la même pour les jeunes gens selon différents indicateurs de mauvaise santé (Romito et al., 2013). Tous ces symptômes peuvent avoir des causes diverses mais ils sont fréquents parmi ceux qui ont subi des violences.

Il est cependant rare que les adolescents demandent de l’aide. Lorsqu’ils décident de le faire, ils se tournent généralement vers un ami, un membre de la famille, un enseignant, et beaucoup moins souvent vers des professionnels sociaux ou de la santé ou bien vers les forces de l’ordre. Souvent, l’histoire arrive « petit à petit » ou bien par le biais d’une question indirecte, par exemple par la demande informations pour une prétendue connaissance en difficulté. Au cours de la pandémie, avec les écoles fermées ou l’enseignement en distanciel et de nombreux services régionaux offrant un accès limité, formuler une demande d’aide s’avérerait encore plus compliqué pour un adolescent.

Compte tenu du nombre de violences, et en tant que psychologues et psychothérapeutes dans différents domaines, il est possible de rencontrer des jeunes filles et des jeunes gens qui ont subi ou ont été exposés à des comportements violents et qui, dans certains cas, trouvent le courage de raconter leur histoire. Il est donc crucial que tous les professionnels soient formés sur le sujet, aient une idée claire de leur rôle et du périmètre de leur action, connaissent le réseau anti-violence sur leur territoire et se donnent la possibilité de consulter des centres spécialisés ou de s’adresser à collègues plus spécialisés en cas de besoin. En ce qui concerne l’entretien avec la jeune victime, il est important qu’il y ait une écoute attentive, non intrusive et jamais re-victimisante : des comportements tels que la remise en cause de la crédibilité de la victime, véhiculer l’idée qu’elle est en partie responsable de ce qui s’est passé ou diminuer l’impact de la violence exercée peut augmenter le sentiment d’impuissance, de colère et de culpabilité, poussant encore plus l’adolescent au silence et aggravant ses problèmes de santé. A en croire ce qui est rapporté, adopter une attitude compréhensive sans émettre de jugement et faire preuve de solidarité morale sont autant d’éléments fondamentaux de soutien face au récit de la violence. Il est également important de ne pas faire de promesse que vous n’êtes pas certain de pouvoir tenir, de remplir les obligations de déclaration dans les cas prévus par la loi en communiquant ces obligations à la jeune fille/au jeune homme et en l’informant de l’existence du réseau de services existant dans sa région, réseau auquel elle/il pourrait s’adresser en cas de besoin.

Dans l’incertitude qui caractérise ce moment historique, il y a donc des certitudes : que la violence quoique fréquente et souvent non dite n’en est pas moins douloureuse, qu’un espace d’écoute authentique, une rencontre ouverte et sans jugement, la possibilité de raconter son histoire se sentir respecté(e), soutenu(e), cru(e), peut représenter le début d’une sortie de la violence.

L’auteur

Lucia Beltramini est psychologue, psychothérapeute, docteure en neurosciences et sciences cognitives et chargée de cours à l’Université de Trieste où elle enseigne « La violence envers les femmes et les mineurs ». Elle s’occupe de la prévention de la violence genrée et de la promotion de l’égalité des chances en menant des activités de recherche, de formation et d’intervention. Elle a à son actif plusieurs publications scientifiques sur le sujet et est l’auteure du livre La violence de genre dans l’adolescence. Guide pour la prévention à l’école (2020).

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E-Mail : dr.luciabeltramini@gmail.com