Article inédit (thème principal) - Synthèse
Hans Holderegger
La signification du transfert et contre-transfert au quotidien et en psychothérapie
Le concept de transfert et contretransfert est l’une des bases de toute psychothérapie à orientation psychodynamique. Le transfert constitue une nouvelle mise en scène d’un souvenir inconscient dans la vie actuelle. On peut dire du contretransfert qu’il est une réaction émotionnelle spontanée de partenaires dans la relation, mais il est également un instrument d’orientation important. Dans le présent article nous mettons en évidence, sur la base de quatre exemples, à quel point il peut être important de saisir la dynamique liant transfert et contretransfert ; cela permet de comprendre le contexte inconscient de situations conflictuelles dans le quotidien et dans le cadre de la thérapie.
Il s’agit dans le premier exemple du conflit opposant un enseignant et sa classe, d’une mise en question de l’alliance de travail que l’enseignant avait de la peine à comprendre. Son ressenti désagréable au niveau du contretransfert permet d’interpréter la situation et montre clairement quelles sont les attentes de la classe à son égard.
Dans le deuxième exemple, nous mettons en évidence l’effet que peut avoir un transfert négatif du père, ainsi que la manière dont la perception d’un enseignant envers ses collègues peut se déformer. Le travail thérapeutique a permis de résoudre les projections négatives de cette personne sur ses collègues.
Dans le troisième exemple, nous décrivons le travail avec un patient qui était impliqué dans une affaire extraconjugale. L’observation du présent est complétée d’une analyse du transfert et contretransfert, permettant au patient de devenir conscient du fait que ce n’est pas seulement l’attractivité de l’amante qui l’attire, mais également son transfert au sein de son mariage d’expériences passées de séparation. Au lieu de continuer à refouler son sentiment de peur et de désespoir, il transférait sur son épouse la séparation douloureuse qui l’avait traumatisé dans son enfance. Dans ce cas, on peut parler de transfert projectif « traumatisant ».
Et enfin, le dernier exemple est en rapport avec des menaces dramatiques de suicide. Le patient téléphone à son thérapeute et lui annonce que dans les minutes qui suivent, il va sauter de son balcon pour mettre fin à son désespoir. Le thérapeute réussit à obtenir que le patient vienne à son cabinet ; ce dernier finit alors par comprendre quelle est la signification inconsciente de l’épisode qu’il a mis en scène. La mère du patient avait menacé pendant des années de se suicider. Dans le cadre d’un transfert projectif, celui-ci communiquait son ressenti dans cette situation de danger constant. Le contretransfert a servi de clé pour comprendre un dialogue qui, pour les deux interlocuteurs, avait des aspects extrêmement dramatiques.
La construction psychique se déroule toujours sur un axe temporel. Des expériences sont constamment modifiées par de nouvelles expériences : en règle générale, ces dernières élargissent l’intégration psychique, la perception et la manière dont l’individu s’adapte à son environnement. Un vécu traumatique empêche l’intégration et c’est pourquoi des mécanismes de défense sont mis en œuvre : dissociation, refoulement et refus des émotions. Ces mécanismes ont pour avantage que les effets du traumatisme sont limités, alors qu’une partie du développement psychique peut se poursuivre. Par exemple, lorsqu’un enfant perd un proche, la dissociation va lui permettre de survivre à ce traumatisme. L’inconvénient de cette forme archaïque de gestion du traumatisme est que ce dernier ne peut plus évoluer ou être corrigé puisqu’il a été exclu du cours du temps et du développement. Il ne peut plus être modifié sur la base de nouvelles expériences ; la partie de la psyché qui a été dissociée ne peut plus évoluer. L’interprétation que fait l’enfant du décès en question – il imagine par exemple que c’est de sa faute – ne pourra donc plus être corrigée par le biais de perceptions plus matures.
On comprend alors pourquoi d’anciens traumatismes qui ont été dissociés réapparaissent périodiquement – entre autres, peut-être en tant qu’impulsions vers l’évolution d’images et d’affects demeurés statiques. Mais il s’agit également de la dimension intemporelle du traumatisme et de la manière dont nous sommes confrontés au niveau du transfert à d’anciens vécus qui se sont figés. Nous ne pouvons comprendre ces transferts que si nous tentons de recréer une structure temporelle : cela fournit une chance de rattraper des évolutions manquées.