Critères de la psychothérapie à fondement scientifique et aspects de sa spiritualité laïque émancipée

Mario Schlegel

Psychotherapie-Wissenschaft 7 (1) 57–58 2017

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CC BY-NC-ND

Mots clés : Psychologie analytique, CG. Jung, psychologie transpersonnelle, épistémologie, théorie scientifique, mentali­sation, spiritualité laïque, réponse placébo

Le présent travail a été réalisé à l’occasion, d’une part, de demandes de reconnaissance de la scientificité de la psychothérapie transpersonnelle auprès de l’European Association for Psychothérapy » (EAP) et, d’autre part, de directives pour la distinction entre la psychothérapie scientifique et les procédés fondés sur l’ésotérisme. Ce sujet a provoqué un vif débat au sein de l’EAP. Dans les requêtes évoquées, la psychothérapie transpersonnelle renvoie à des procédés de thérapie établis dont il est dit qu’ils ont été fondés par des écoles humanistes ainsi que par C. G. Jung. C’est pourquoi on m’a posé la question, en tant qu’analyste Jungien, si la psychologie analytique était aussi une psychologie transpersonnelle, ce qui soulève également la question, dans ce contexte, de sa scientificité.

Dans le cadre de la règlementation légale de la psychothérapie comme traitement curatif dans différents pays d’Europe, la scientificité des traitements psychothérapiques est devenue un enjeu politique depuis le début des années 1990. Afin de conserver et de continuer à développer la psychothérapie comme domaine de connaissance indépendant dans sa diversité et son interdisciplinarité, des écoles des mouvements de l’analyse psychologique, humanistes et intégratifs ont créé, à l’époque, en Suisse, une « conférence des instituts de formation et associations professionnelles psychothérapeutiques » qui a développé un consensus sur les contenus, la formation, la science et l’éthique sous la forme de la « Charte Suisse de la psychothérapie ». (www.psychotherapiecharta.ch). Dans des conférences et des projets de recherche qui ont lieu régulièrement depuis, des contenus et des structures sont développés et le respect des accords est vérifié. (Ibid.) Les acteurs décisifs de ces processus ont également pris part à la constitution et au développement de l’EAP.

La scientificité de la psychothérapie transpersonnelle est un sujet central car elle présuppose une réalité transcendantale, métaphysique, qui dépasse notre existence matérielle en tant qu’êtres biologiques dans un monde physique matériel. Par conséquent, elle aborde également des convictions personnelles chez un grand nombre de thérapeutes. Il ne peut en être autrement car le besoin religieux est un besoin fondamental chez beaucoup d’êtres humains. Cependant cela ne peut être un fondement pour la psychothérapie en tant que science.

Selon les critères de la psychothérapie au fondement scientifique, tels qu’ils sont définis dans la « charte Suisse de la psychothérapie », le critère épistémologique et de théorie scientifique est appliqué de façon exemplaire à la psychologie analytique de CG. Jung et à la psychologie transcendantale. Cela met en évidence que CG. Jung ne peut pas faire partie des fondateurs de la psychologie transpersonnelle, comme l’affirment les représentants de celle-ci ; sa psychologie n’est explicitement pas fondée sur des réalités métaphysiques.

La psychologie analytique n’empêche pas seulement ses propres notions de se diffuser dans le monde de l’Être, au contraire, elle montre également l’aspect symbolique de notions qui sont traditionnellement ancrées dans le monde de l’Être, comme cela est visible dans les termes associés de « Dieu » et « image de Dieu ». L’aspect émancipateur de la psychothérapie est principalement fondé sur cette vision éclairée. Cette même distinction entre métaphore et « monde de l’Être » se retrouve également chez Freud.

Au-delà de l’épistémologie, cet article met également en avant la capacité archétype de l’homme, du point de vue de la théorie de l’évolution, à l’introspection et à la perception de l’état psychique de l’autre qui lui permet de se projeter sur l’autre. Cela équivaut à la capacité de mentaliser. La constante anthropologique qui repose sur l’empathie, l’altruisme et la coopération n’est pas seulement la base de notre culture, mais également une conviction altruiste-humaniste, dépassant le Moi, qui peut être interprétée comme une spiritualité laïque. Elle découle du ressenti moral et éthique et de l’expérience du sens.

Pour un procédé psychothérapeutique à fondement scientifique, une spiritualité perçue de façon éclairée, laïque est indispensable, car celle-ci guidera l’homme vers plus d’authenticité et vers le véritable centre de son être. Dans les méthodes basées sur des suppositions transcendantales, cela n’est pas garanti car il n’y a pas de protection contre les influences non professionnelles, idéologiques, ni contre la dépendance.

Avec la position critique de la théorie scientifique, aucune décision n’a été arrêtée concernant l’utilité et la valeur de la spiritualité transcendantale, ni même de négation du pouvoir curatif des pratiques spirituelles. Il y a d’importantes indications relatives à leur efficacité issues de la recherche placébo qui déclare que des pratiques spirituelles ou « croyantes » impliquent la réponse placébo physiologique pour leur efficacité neurobiologique, qui représente un certain antagonisme naturel, biologique à la réaction de stress.

La scientificité de la méthode curative n’est pas un prérequis pour la guérison dans des cas isolés, mais elle l’est pour l’application générale dans le système de santé publique. Celle-ci exige des critères vérifiables et discutables avant la pratique et la théorie.

À propos de l’auteur

Mario Schlegel, Dr. sc. nat. ETH, didacticien, superviseur, professeur et dirigeant du colloque de recherche au C. G. Jung-Institut à Zurich. Président de la commission scientifique de la charte suisse de la psychothérapie et co-président du « réseau international de la recherche et du développement de la psychologie analytique des trois pays » (INFAP3), rédacteur de la revue Psychotherapie-Wissenschaft et psychothérapeute ASP dans son propre cabinet. Sujet de travail principal : Le dialogue entre les écoles de thérapie et la biologie de l’intersubjectivité.