Intersubjectivité et introspection

Rosmarie Barwinski

Psychotherapie-Wissenschaft 7 (1) 31 2017

www.psychotherapie-wissenschaft.info

CC BY-NC-ND

Mots clés : Intersubjectivité, abstraction introspective, trauma, antinomie, rapport à soi

L’intersubjectivité – comme capacité au partage empathique de perspective et à la cognition sociale en tant que modèle de base de l’interaction sociale – présuppose une forme spécifique de la conscience individuelle fondée sur l’introspection. Afin d’expliquer cette hypothèse, la contribution renvoie vers des concepts de Jean Piaget qui décrit le développement comme un processus de prise de conscience. Celui-ci repose sur la réflexion de ses propres actions et schémas d’actions et est ainsi un processus d’introspection. On y démontre comment les antinomies peuvent favoriser ou bloquer les structures du soi (depuis la relation à soi basale jusqu’à la conscience de soi introspective) et ainsi empêcher ou accélérer l’évolution.

La caractéristique centrale d’une antinomie est le rapport à soi négatif, plus précisément une cohabitation du rapport à soi et de la négation de ce rapport à soi, qui génère un mouvement oscillant entre le rapport à soi et la négation de ce rapport à soi ainsi que le mélange de différents niveaux. En se basant sur l’exemple d’un traumatisme de relation (abus sexuel dans l’enfance par une personne de référence centrale), l’article met en avant deux antinomies qui ont précédé des constatations essentielles dans le processus thérapeutique :

Une première antinomie s’est révélée être un mélange entre le niveau de l’action et celui de la représentation. La patiente souffrait de flashbacks et de crises de panique. Elle ne parvenait pas à faire la différence entre le présent où elle était en sécurité et le vécu de situations traumatiques. Elle ne parvenait pas à reconnaître ses flashbacks comme images d’expériences passées, mais se « retrouvait » de nouveau dans l’événement traumatique.

Le processus de traitement de la patiente s’est mis à stagner de nouveau lorsqu’une seconde antinomie l’a poussée dans une contradiction qu’elle ne pouvait pas résoudre : le mélange du niveau de la représentation de l’action (la conscience de l’abus sexuel vécu) avec celui de la représentation de l’objet. La remise en question de l’image du « bon malfaiteur » a entraîné la peur de la perte intérieure de l’objet, la peur de perdre sa stabilité intérieure en détruisant la « bonne » image intérieure de la personne de référence qui était alors centrale.

Des propositions de techniques de traitement sont indiquées en conclusion. Dans un premier temps, il s’agit de déterminer l’étape dans laquelle une antinomie bloque le développement. L’étape sélectionnée détermine ensuite le choix du niveau d’intervention. Lors du passage de l’action (délit) à la représentation (flashback), l’aspect actif, par exemple, devrait être au premier plan afin d’établir le rapport à soi. C’est-à-dire que les interventions doivent prendre la forme d’instructions, comme, par exemple, prendre de la distance physique par rapport aux situations qui réactivent le souvenir du traumatisme et se réorienter vers ici et maintenant.

Mais s’il s’agit d’une contradiction entre la représentation de l’action et l’image de la figure de référence, alors les interventions qui auront un effet seront celles qui s’appuient sur des mécanismes psychiques (comme par exemple la séparation en « tout bon » et « tout mauvais »).

En conclusion il faut retenir qu’à l’aide de la différentiation entre différents niveaux de représentation et la logique de transformation décrite, il existe une approche qui décrit, en regroupant les différents courants, comment la psychothérapie peut encourager le changement constructif. Étant donné le grand nombre de modèles psychothérapeutiques dont les hypothèses de base ne sont pas vérifiées, la relation aux concepts philosophiques et de la psychologie du développement permet de créer une base commune qui peut être considérée comme un premier pas vers un paradigme pour la psychothérapie (science).

À propose de l’auteure :

PD Dr. phil. Rosmarie Barwinski, Psychanalyste, psychothérapeute SPV/FSP ; maître de conférences à l’université de Cologne, superviseuse pour le séminaire psychanalytique de Zurich ; responsable de l’institut suisse de psychotraumatologie (SIPT) dont le siège se trouve à Winterthur (www.psychotraumatologie-sipt.ch) ; de nombreuses publications dans le domaine de la psychotraumatologie et de la recherche de processus de psychothérapie.